Près de 20 ans après que le Conseil de sécurité des Nations Unies a référé la situation au Darfour à la Cour pénale internationale (CPI), les victimes et les survivants d’atrocités sont toujours en quête de justice et de responsabilité, a déclaré mardi le Procureur de la Cour devant les membres du Conseil.
NEW YORK, USA, le 18 Janvier 2022,-/African Media Agency (AMA)/-Lors de sa présentation du 34e rapport de la CPI sur le Darfour, Karim Khan a souligné le besoin crucial de coopération et d’actions concrètes, tant de la part des autorités de Khartoum que de la communauté internationale.
M. Khan s’est rendu dans la capitale soudanaise en août dernier, deux mois seulement après sa prise de fonction, où il a rencontré des survivants du Darfour, la société civile et le gouvernement.
Nous devons faire mieux
« Je partage les frustrations, l’impatience et l’espoir de ces survivants que ce moment singulier – la première saisie de la Cour pénale internationale par le Conseil – portera ses fruits », a-t-il déclaré.
« Mais il est important, comme je l’ai dit dans mes interactions avec les membres du gouvernement soudanais, que ce renvoi ne soit pas une histoire sans fin », a ajouté M. Khan, précisant que « nous devons collectivement faire mieux – mon bureau bien sûr, mais aussi ce Conseil – pour nous assurer que la promesse et l’objectif de la saisie se marient avec des actions concrètes ».
Le conflit du Darfour a débuté en 2003 entre les forces gouvernementales soudanaises, soutenues par des milices alliées connues sous le nom de Janjawid et les mouvements rebelles du Darfour. Des centaines de milliers de personnes ont été tuées, tandis que des quantités d’autres ont été déplacées.
En 2005, le Conseil a renvoyé l’affaire à la CPI, qui enquête sur des allégations de génocide, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.
Mandats d’arrêt en suspens
M. Khan a fait état de progrès, notamment l’ouverture en avril d’un procès contre un chef janjawid « notoire », Ali Muhammad Ali Abd-Al-Rahman, dit « Ali Kushayb ».
Quatre mandats d’arrêt restent en suspens, dont celui de l’ancien Président du Soudan, Omar El-Béchir, qui a été déposé en avril 2019.
Les autres mandats concernent l’ancien ministre de l’Intérieur, Abdel Raheem Muhammad Hussein, l’ancien gouverneur de l’État du Kordofan méridional, Ahmed Harun, et Abdallah Banda, ancien commandant du Mouvement pour la justice et l’égalité (MJE).
M. Khan a souligné que les affaires dont la CPI est saisie « ne sont pas dirigées contre le Soudan » mais « contre des individus dont les preuves révèlent la responsabilité dans des crimes relevant de la compétence de la Cour ».
Une efficacité accrue
Comme pour toutes les affaires renvoyées à la Cour par le Conseil de sécurité, le Soudan est une priorité pour M. Khan.
Plusieurs facteurs, dont le manque de coopération des régimes précédents, ont empêché les enquêteurs de la CPI d’effectuer des visites sur le terrain dans le pays au cours des 17 dernières années.
En conséquence, les preuves contre M. El-Béchir et M. Hussein doivent être renforcées, ce qui nécessite la coopération et la collaboration des autorités soudanaises, mais aussi du Conseil et des États membres de l’ONU, a-t-il dit.
M. Khan a évoqué les mesures qu’il a prises en vue d’une plus grande efficacité, telle que l’affectation d’enquêteurs, de personnel et de ressources supplémentaires ou la nomination de la célèbre avocate spécialisée en droits de l’homme, Amal Clooney, en tant que Conseillère spéciale à titre bénévole.
Sa visite à Khartoum en août dernier avait abouti à la signature d’un protocole d’accord sur les quatre affaires de mandats d’arrêt, ce qui constitue une première.
Les autorités soudanaises s’étaient également engagées à travailler plus étroitement avec son bureau et à signer le Statut de Rome, le traité de 1998 qui a créé la CPI. Un accord avait également été conclu pour assurer une présence permanente du Bureau du Procureur sur le terrain à Khartoum.
Un « paysage » modifié
Toutefois, le « paysage » du Soudan a changé à peine deux mois plus tard, après que les militaires, qui se partageaient le pouvoir au sein d’un gouvernement de transition, ont dissous le régime civil.
« Le hiatus du 25 octobre a fait que nous avons perdu des points de convergence. Nous essayons de rattraper le temps perdu », a déclaré M. Khan au Conseil.
« Nous avons dû suspendre des enquêtes actives, c’est donc une tournure des événements très gênante et préoccupante », a-t-il dit.
Il a néanmoins signalé un « bon côté » à la suite d’une visite d’une équipe de la CPI à Khartoum en décembre, lors de laquelle le général Abdel Fattah al-Burhan, qui a dirigé le coup d’État, a rassuré que le protocole d’accord était toujours valable et qu’il envisageait de coopérer.
« Aussi, il m’a dit — à plus d’une occasion, à moi directement et à l’équipe en décembre — qu’il était essentiel d’obtenir la justice pour les victimes au Darfour », a déclaré M. Khan devant les Quinze.
« Le défi maintenant, collectivement, pour nous tous, est de s’assurer que ces assurances se traduisent par des partenariats concrets et tangibles et par la reddition des comptes », a fait valoir le Procureur de la CPI.
Distribué par African Media Agency (AMA) pour ONU Info.
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