Drapeau de la RDC

Sauver la république en danger (Tribune de l’Analyste Siméon Nkola Matamba)

À côté du bruit des armes et des cliquetis des baïonnettes, rythmique infernale, il se développe un danger peu redouté mais qui n’en reste pas moins menaçant. Les faits d’agressions venues de l’extérieur et de guerres atroces, grands malheurs, ne sont pas les seuls à assombrir les horizons de notre République. Soixante ans après l’indépendance, les pics d’actes de tribalisme et les revendications sécessionnistes restent des dangers susceptibles d’amoindrir la cohésion et l’intérêt général, pouvant nous conduire jusqu’à une balkanisation (qu’à Dieu ne plaise) poussée de l’intérieur!

J’observe souvent, disait le Chef de l’Etat, la ferveur avec laquelle nombre de mes concitoyens s’indignent lorsqu’il est porté atteinte aux droits et libertés des personnes de couleur sous d’autres cieux, notamment dans les vieilles démocraties.” Et d’ajouter en questionnant : “comment comprendre que ces mêmes concitoyens se retrouvent parfois parmi ceux qui attisent le plus le tribalisme et la haine lorsqu’il s’agit de la vie de nos compatriotes?”

Cette question recentre le débat vers l’une des problématiques qui conditionnent l’expérience congolaise : la cohésion nationale, déjà un casse-tête depuis la création de l’Etat Indépendant du Congo, constitué à partir d’une mosaïque de peuples. La cohésion nationale est aujourd’hui encore affaiblie par la poussée des communautarismes qui ont toujours favorisé les tendances à l’éclatement. Ces communautarismes marquent la République de fractures intérieures d’où émergent des cloisonnements identitaires qui dénient sa prééminence à l’intérêt général.

C’est aussi ce qu’a démontré la dernière élection, quand à travers une passation de pouvoir on a voulu apercevoir une redistribution de rôles entre deux tribus : l’une arrivant au pouvoir, l’autre regardée d’une certaine distance comme perdant ledit pouvoir. Il est à craindre que la réalité ne vienne à valider ces thèses obscures.

C’est par ce type d’appréhensions réductionnistes que la réalité nationale est disséquée, dénudée de sa dimension englobante, par des consciences programmées à ne jurer que par la tribu, la région d’origine, la religion, le parti politique, la corporation, et ainsi de suite, surtout quand rien n’a été fait pour offrir une perspective de rassemblement à nos concitoyens.

L’identité tribale comme d’autres identités particulières, légitimement reconnues, deviennent donc par l’abus des constructions handicapantes pour la marche collective vers un horizon commun, encore qu’il faille s’en être fixé un et surtout, s’être donné les moyens de converger vers lui. Quand on laisse se développer la promotion des considérations particularistes sur le dos de l’intérêt collectif, on débute l’effacement de la République.

C’est l’occasion d’acter l’état d’inachèvement de notre République. Elle est un chantier dont l’inauguration ancienne et les faibles acquis sont abandonnés au délitement sous le poids du temps qui s’écoule. Pour arrêter l’érosion de ce qui nous reste comme repère, il faut replacer l’idéal républicain au centre du projet politique des prochaines années, car les maux du tribalisme et les velléités sécessionnistes qui reviennent en trombe ne disparaîtront pas à l’aide d’incantations ni de conjurations hymniques sortant des bouches qui entonnent mécaniquement le “Débout Congolais”, sans toujours y croire.

L’échec de l’intelligence congolaise se consacre donc dans l’incapacité à construire jusqu’ici les infrastructures de la conscience qui doivent servir d’intersection solide aux nombreuses avenues qui traversent la grande place de l’identité nationale. Cette intersection doit être le prolongement de chacune des composantes de la nation et demeurer l’aboutissement dans lequel se reconnaissent toutes les aspirations, dont la première est celle de vivre.

La chose voire la cause publique (res publica) est le projet d’avenir qui doit déboucher sur un pays du vivre ensemble soumis à la loi du bien commun, où les replis doivent céder peu à peu la place aux grandes ouvertures qui doivent faire s’amalgamer des couches sociales retrouvant dans la République des raisons de se dépasser et de s’unir. Cela devra passer par la création d’une mentalité républicaine homogène dont le premier signe de vie sera l’entrée en scène de l’Etat, ce grand déserteur du champ de la patrie.

L’Etat doit investir le champ de la patrie et, à travers sa présence effective dans l’espace et dans le temps long, devenir le repère immuable qui encadre la marche vers l’idéal républicain, cet horizon indépassable. Pour ce faire, une offre politique émanant d’institutions publiques fonctionnelles et efficaces doit se donner comme objectif de résoudre les défis de la vie au quotidien et permettre à nos populations d’oser l’audace de se projeter vers l’avenir dans un espace propice à la vie pour tous.

À travers un modèle social axé sur l’école publique obligatoire, la couverture santé universelle, avec une police nationale assurant la protection des citoyens et une armée veillant à l’intégrité du territoire, la République peut redevenir l’ultime abri pour les Congolais désireux de s’y réfugier, loin des séparatismes sans lendemains.

Les conditions du vivre ensemble dont la convergence des mentalités, la paix, la sécurité, la justice, le développement économique sont au cœur du défi des prochaines années, pour nous éviter la dérive toujours malheureuse vers un Congo qui ne ressemble pas au vœu des Pères de l’indépendance.

Nous devons sauver la République.

Simeon Nkola Matamba

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