Michel KABOYI

RDC : Le Silence du Conseil de Sécurité sur la question de la Covid-19 relance la réflexion sur l’avenir du système multilatéral des Nations Unies  (Tribune de Michel KABOYI)

Pour le Centre de recherche sur les opérations de maintien de la paix, la crise sanitaire due à l’épidémie du coronavirus a révélé au grand jour les fissures au sein du conseil de sécurité des Nations Unies.

Comment se fait-il que le Conseil de sécurité, enceinte privilégiée du multilatéralisme, soit aussi absent et ne s’exprime pas publiquement ? Autrement dit, où est confinée cette fameuse « communauté » internationale censée être si solidaire et unie en temps de crise ? Que révèle cette situation de l’état du multilatéralisme, dont l’on s’accorde bien souvent pour dire qu’il était déjà « en crise » avant la pandémie.

Autant de questions que se pose Michel Kaboyi dans cette tribune sur ce silence tout en mettant en exergue le cas de la Monusco  que votre site matininfos.net prend soin de publier en marge de la célébration de la journée internationale des Casques bleus ce vendredi 29 mai 2020.

TRIBUNE SUR LE SILENCE DES OPERATIONS DE MAINTIEN DE LA PAIX A L’EPREUVE DE LA COVID-19 : CAS DE LA MONUSCO

L’humanité est sous aspirateur, la terre n’est plus visitée, les musées sont devenus cimetières d’œuvres d’art, les peuples sont endeuillés, les populations affamées, les individus masqués dans le va et viens de la solitude du confinement, de la solidarité recherchée face à une situation nommée guerre, par les uns, test, par d’autres, mais, d’abord et avant tout une évidente problématique de sécurités nationale et internationale ; et après, une bifurcation écologique : la pandémie Covid-19.

A ce titre et à ce jour de la célébration de la journée internationale des Casques bleus, est-il opportun de faire remarquer que tout débat autour de la « guerre » renvoie immédiatement, en droit international, à l’action du Conseil de sécurité des Nations Unies. Le Conseil de sécurité, qui comprend quinze membres dont cinq permanents que sont la France, le Royaume-Uni, les États-Unis, la Chine et la Russie, est l’organe principal du maintien de la paix et de la sécurité internationale. Ses décisions revêtant un caractère coercitif, ce dernier dispose d’une palette importante de pouvoirs s’il constate une menace ou une atteinte à la paix et à la sécurité internationales.

Non seulement le Conseil de sécurité est incontournable en cas de « guerre » ou, pour adopter la terminologie du droit international, d’agression armée et plus généralement de menace à la paix et à la sécurité internationales, mais encore il est l’un des principaux organes du multilatéralisme depuis 1945. Or, le Conseil de sécurité est, officiellement, parfaitement silencieux sur la question du Covid-19 depuis le début de la crise. Lorsque celui-ci sortira de son silence institutionnel, la latence avec laquelle il aura réagi sera critiquée et servira vraisemblablement de base de réflexion quant à l’avenir du système multilatéral des Nations Unies, dont cette crise sanitaire révèle au grand jour les fissures.

Comment se fait-il que le Conseil de sécurité, enceinte privilégiée du multilatéralisme, soit aussi absent et ne s’exprime pas publiquement ? Autrement dit, où est confinée cette fameuse « communauté » internationale censée être si solidaire et unie en temps de crise ? Que révèle cette situation de l’état du multilatéralisme, dont l’on s’accorde bien souvent pour dire qu’il était déjà « en crise » avant la pandémie ? L’on ne peut que tenter d’avancer des réponses prudentes, l’actualité étant particulièrement mouvante, et quelques pistes de réflexion sujettes à caution[3].

Ce silence assourdissant, au sens d’Alain Pellet, se prolonge au niveau des Organisations régionales et des Etats, dans la mesure où, pour l’Afrique, hormis les quelques réunions tenues entre les Chefs d’Etat, aucune mesure sécuritaire n’a été entreprise sur le plan régional ni par l’Union Africaine directement ni par ses organes à titre indirect, sur base du Chapitre 8 de la Charte.

Cette date du 29 mai que la mémoire universelle garde à l’esprit en hommage à la date de création, en 1948, de la première des 72 missions de paix des Nations Unies, est une occasion de s’interroger sur la situation de la sécurité et de la paix au monde, en général, et en République Démocratique du Congo, en particulier. Cette dernière regorge, actuellement, la première opération de maintien de la paix en terme numérique et financier, la MONUSCO, dont l’histoire revendique, dans l’effective pratique, le droit au déshonneur et qui se confond avec l’évolution ininterrompue des conflits armés sur son territoire, depuis plus de deux décennies.

Rappelant qu’une opération de maintien de la paix est un organe subsidiaire du Conseil de sécurité, le Centre de recherche sur les opérations de maintien de la paix, COP en sigle, s’interroge sur les allures d’éternité d’un subside à l’action onusienne dont le bateau de pacification a chaviré bien avant l’accostage. L’ironie du sort est la succession des capitaines qui s’échouent à la recherche de l’ancien bateau qu’à la construction d’un nouveau, à tel enseigne que sans la comparer aux missions ayant marqué la trilogie funeste des Nations Unies, les forces négations sans cesse en formation trahissent le serment des soldats valeureux au service de la paix et l’expérience des 72 années cumulées dans le maintien, l’imposition, le rétablissement, la construction ou la consolidation de la paix dans les pays hôtes. Chaque Résolution devient cette réalité une barge en rescousse susceptible de basculer à la moindre vague du souffle d’incursion rebelle.

La Résolution 2502 du 19 décembre 2019 du Conseil de sécurité proroge jusqu’au 20 décembre de l’année en cours le mandat de la MONUSCO et, à titre exceptionnel et sans créer de précédent ni remettre en cause les principes convenus régissant les opérations de maintien de la paix, de sa Brigade d’intervention. Assurer la protection des civils, appuyer la stabilisation et le renforcement des institutions de l’Etat ainsi que les principales réformes de la gouvernance et de la sécurité constituent les priorités stratégiques décidées par le Conseil de sécurité au sujet de la MONUSCO.

Ce tableau dressé des obligations mises à charge de la MONUSCO, par le Conseil de sécurité, sur base du Chapitre 7 de la Charte, se trouve renforcer par l’obligation de diligence imposée en matière des droits de l’homme  à tout acteur de droit international, et accuse la passivité illégale de cet organe subsidiaire du Conseil de sécurité ayant reçu mission de stabiliser la paix en RDC.

La population congolaise a enregistré des morts au Kongo central, au Nord-Kivu, à Kinshasa, au Tanganyika, au Sud-Kivu, en Ituri, au Haut-Uélé et bien plus, sous l’œil observateur d’une ONU simple comptable des cas.

Cette posture est une faute à l’obligation de faire et remet en cause le bien-fondé de la MONUSCO disposant d’une Brigade d’intervention en RDC.

Le Centre de recherche sur les opérations de maintien de la paix, COP en sigle, salue la médiation de la MONUSCO, conformément aux missions prévues à l’article 33 de la Charte des Nations Unies et à la Résolution supra reprise, sans s’interdire de fustiger le silence et la passivité de la Mission onusienne en RDC, après ceux constatés sur l’ensemble de la « communauté » internationale, pour faire échec à toutes forces négatives qui se créent et qui resurgissent, d’une part, et pour soutenir les efforts diplomatiques du Gouvernement congolais à la suite des soupçons d’occupation de son territoire par les forces étrangères en violation des principes cardinaux du Droit international, d’autre part.

Avec plus de vingt-cinq milliards de dollars américains à titre de dotation budgétaire durant ses deux décennies, la MONUSCO n’a accompli aucune action historique pour le rétablissement, la restauration et/ou consolidation de la paix ; ce, malgré le renforcement continuel de son mandat. A ce sujet, la Présidente de l’Assemblée Nationale de la RDC a opiné : « il y a un malaise entre la présence, le coût de la MONUSCO en RDC, et les résultats obtenus »[4], avant de poursuivre : « ça fait 20 ans que la MONUSCO est en RDC, cela doit être une des missions les plus longues et les plus vieilles au monde, c’est presque un milliard de dollars par an qui sont dépensés »[5].

« Les populations civiles congolaises, entre engagements et souffrances »[6], ne considèrent plus les casques bleus comme des protecteurs ; ils sont, pour elles, soit prédateurs soit spectateurs.

Le Centre de recherche sur les opérations de maintien de la paix constate, in fine, que la MONUSCO connait, plus que jamais, une grave crise existentielle qui ne peut se guérir qu’avec une révolution paradigmatique profonde et une reconnaissance officielle de ses limites.

Cette année, les Nations Unies ont fait honneur à la Femme à travers le thème retenu : « Les Femmes dans le maintien de la paix : une clef pour la paix ». Ici, une occasion de rappeler le rôle d’exemplarité dont a fait montre la Femme dans le maintien de la paix : elle sert avec fierté, elle oublie sa maternité pour protéger des enfants en détresse, elle n’use nullement de sa supériorité pour désagréger les droits de l’homme des plus nécessiteux, elle n’a jamais été soupçonnée ni, à cause d’elle, son contingent rapatrié pour cause d’exploitation et d’abus sexuels,… elle est l’image du maintien de la paix et un motif de respect à l’action des Nations Unies pour la paix.

Chaque 29 mai a, en définitive, toujours été l’occasion de rendre hommage et d’honorer la mémoire de plus de 3 900 Casques bleus qui ont perdu la vie en servant sous le drapeau des Nations Unies depuis 1948, dont 102 hommes et femmes en 2019 ; mais aussi et surtout, pour le Centre de recherche sur les opérations de maintien de la paix de rappeler l’impérieuse nécessité de rendre justice à toutes les femmes victimes d’exploitation et d’abus sexuels commis par les Soldats de paix.

Michel KABOYI, Directeur du Centre de recherche sur les opérations de maintien de la paix, Kinshasa /RDC

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