Une vue aérienne du Barrage Inga en RDC
Une vue aérienne du Barrage Inga en RDC

RDC : « Inga III ne contribuera pas considérablement à l’électrification du pays »

Le rapport d’une étude de Ressource Matters et le Groupe d’Etude sur le Congo (GEC) révèle que le projet Inga III ne sera pas bénéfique à la population. Dans la conception actuelle, 3 GW sur les 40 000 mégawatts (MW) sont  prévus pour le pays, sans distinguer l’électricité pour la population de celle qui serait fournie à l’industrie minière.

Ces experts estiment que le projet Inga III est tellement ambitieux que le Congo a tout intérêt à unir ses forces s’il veut en tirer un réel bénéfice. La décision de la présidence de la République de s’approprier le contrôle quasi-exclusif du projet va à contre-sens de cette logique et a eu un impact considérable sur l’avancement du projet. Le processus en souffre dans plusieurs aspects opérationnels clefs. Il s’agit entre autres des conditions de sélection du développeur peu claires ; absence d’études d’impacts sociaux et environnementaux complémentaires faute de moyens financiers et à la suite du retrait des principaux bailleurs de fonds ; rejet par le Parlement et la société civile du projet ou encore faible position de la RDC lors des négociations avec les potentiels présélectionnés.

Pour ce faire, le président Félix Tshisekedi devrait rouvrir la gestion d’Inga III à la participation de la société civile et aux institutions régulières du pays ainsi que recourir à des experts qualifiés et attendre les résultats des différentes études d’impact. Ce, en plus des contre-expertises directement commanditées par le gouvernement, pour juger si le projet est approprié pour le pays et sa population.

Pour ces experts, La RDC devrait se doter des moyens pour réaliser les études environnementales et sociales qui sont plus importantes que jamais, surtout dans l’optique d’une fermeture complète du fleuve Congo et d’un barrage de 205 mètres qui pourrait avoir des impacts au-delà de la frontière avec le Congo Brazzaville. Le coût réel du kilowatt par heure devait normalement être déterminé par les études complémentaires qui devaient être menées par le panel des experts recrutés par la Banque mondiale, mais qui n’a pas pu travailler à cause de la suspension de l’appui technique.

Vivement les intérêts de la République

Dans la conception actuelle d’Inga III, il n’y a que 3 GW prévus pour le Congo, sans distinguer l’électricité pour la population de celle qui serait fournie à l’industrie minière. Compte tenu des difficultés de la Société Nationale d’Electricité (SNEL) et le faible pouvoir d’achat de la population congolaise, Inga pourrait générer des recettes pour le Trésor public mais ne contribuera pas considérablement à l’électrification du pays. Les débats qui auront lieu lors des deux années de la phase dite préparatoire auront des impacts réels et durables sur la population, si le projet venait à voir le jour.

Pour les experts, c’est maintenant, en amont de la conclusion d’une éventuelle convention de concession qui attribuera au développeur le site d’Inga III, qu’il faudra défendre ces intérêts avec des outils qui sont à la taille de ce projet ambitieux. A défaut, les actuels pourfendeurs du projet continueront à alimenter l’image de suspicion et de rejet qui entoure d’ores et déjà le projet, et ses détracteurs ne manqueront pas de s’y opposer de toute force. Entretemps, les clients potentiels tels l’Afrique du Sud et les entreprises minières installées dans la région du cuivre se seront déjà tournés vers des solutions alternatives, coupant le socle même d’Inga III et le renvoyant une fois de plus aux calendes grecques.

Pendant que les experts clôturaient ce rapport, ils ont appris que l’existence du consortium se trouve menacé car les deux parties ne parviennent pas à s’accorder sur les éléments essentiels. « Le consortium Chinois et le Consortium pro-Inga n’ont pas pu parvenir à un accord sur la formation du nouveau consortium unique entre les deux parties à cause notamment de graves différend sur le concept du développement du projet et sur le pourcentage des parts de deux parties », écrit la China Three Gorges International Corporation au chargé de mission de l’ADPI dans une lettre datée du 20 septembre 2019 avec copies réservées au président de la République et au Premier ministre.

Rappel

Il faut noter qu’avec une capacité potentielle totale de 40 000 mégawatts (MW), il héberge le plus grand potentiel hydroélectrique au monde. Avec les centrales d’Inga I (351 MW) et Inga II (1 424 MW), construites respectivement en 1972 et 1982, moins d’un vingtième de ce potentiel est développé à ce jour. La RDC exploite 2% de son potentiel énergétique total. Les défenseurs d’Inga voient en son développement une opportunité inégalée d’accroître sensiblement l’offre en énergie et alimenter non seulement le Congo mais aussi une partie du continent africain. Or Inga III ne se fera qu’à condition qu’un client bancable s’engage à le porter.

Judith Asina

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