A en croire ce rapport, quand les partisans de Moïse Katumbi se sont rassemblés au poste-frontière de Kasumbalesa le 3 août, les forces de sécurité ont tué au moins une personne et blessé une autre par balle. Human Rights Watch (Hrw) a reçu des rapports dignes de foi indiquant que les forces de sécurité avaient tué deux autres personnes à Kasumbalesa ce jour-là et le lendemain. Le 6 août, des policiers et des soldats se sont déployés dans Lubumbashi, la capitale de la province, située à environ 90 kilomètres de Kasumbalesa. Ils ont lancé des gaz lacrymogènes et tiré à balles réelles pour disperser les manifestants dans plusieurs quartiers, tuant un enfant et blessant quatre autres personnes. Certains des manifestants auraient mis le feu à des étals et à des voitures et pillé des magasins.
Le frère d’Olivier Tchamala Kambaji, étudiant de 19 ans et vendeur d’unités téléphoniques, a décrit le meurtre de son frère à Kasumbalesa le 3 août :
«Olivier est sorti vers 17 h pour se ravitailler en unités à revendre. Il y avait eu des coups de feu plus tôt lorsque Moïse Katumbi a été empêché d’entrer à Kasumbalesa, mais nous avons pensé que les choses s’étaient calmées depuis. Olivier est parti en direction de la maison de son fournisseur, et quand il est arrivé à la voie ferrée avant de rejoindre la route principale, il a entendu des tirs. Il s’est immédiatement mis à courir dans le sens inverse, mais malheureusement une balle l’a atteint dans le bas du dos alors qu’il courait. Il est tombé au sol. Juste à côté de lui, un autre jeune homme est tombé. Il avait été touché à l’épaule.
L’ami d’Olivier m’a appelé pour me raconter ce qui s’était passé et a dit qu’il les emmenait à l’hôpital. Mais sur leur chemin, une jeep de police les a arrêtés et a pris Olivier et l’autre homme blessé. Les policiers ont indiqué qu’ils les conduiraient à l’hôpital, mais nous avons appris plus tard qu’ils ont circulé avec eux à bord jusqu’au lendemain, puis ils les ont emmenés à un hôpital à Lubumbashi. J’ai appris qu’il était là-bas, donc je suis allé à Lubumbashi. Les personnes à l’hôpital m’ont annoncé qu’Olivier était déjà mort lorsqu’il est arrivé. Donc je ne peux pas vous dire maintenant s’il est mort sur le coup ou s’il est mort lorsqu’il était avec la police et s’il aurait pu être sauvé. C’est révoltant !»
Un homme âgé de 19 ans qui vendait des cigarettes a raconté que les forces de sécurité lui ont tiré dessus et l’ont blessé à Kasumbalesa le 3 août :
Je rentrais à la maison [depuis le travail] et j’ai vu qu’il y avait de l’agitation près de la voie ferrée. Des personnes brûlaient des pneus et jetaient des pierres. Je suis passé devant eux en me dépêchant. Mais la police a commencé à lancer des gaz lacrymogènes et à tirer à balles réelles sur la foule. Ensuite j’ai senti quelque chose me toucher et je suis tombé immédiatement. Je n’ai même pas vu la balle arriver. J’avais terriblement mal. La balle était entrée dans la partie supérieure de ma cuisse et ressortie par mon dos. J’ai été conduit à l’hôpital où les médecins m’ont opéré. Ils disent que j’ai besoin d’une deuxième opération, mais je n’ai pas d’argent pour payer. J’ai très mal et j’attends l’aide de Dieu.
Un maçon de 32 ans a décrit comment son fils de 10 ans, Gédéon Ntumba Kalaba, a été tué par une balle perdue à Lubumbashi le 6 août :
«Le lundi [6 août], je suis resté à la maison dans le quartier de Katuba Kananga à cause des troubles dans la ville. Mon deuxième fils, Gédéon, jouait avec un ami devant notre maison. Les manifestations n’avaient pas lieu sur notre route, mais quand les tirs ont commencé, des personnes se sont mises à fuir en traversant notre quartier. C’était entre 11 h et midi. Il y avait beaucoup de coups de feu et je n’ai pas eu le temps de cacher les enfants ou de leur dire de se mettre à l’abri. Le dos de Gédéon faisait face à la route et soudain, je l’ai vu tomber. J’ai couru jusqu’à lui et j’ai vu qu’il avait été touché par une balle au bas du dos, près de la colonne vertébrale. J’ai pris Gédéon dans mes bras et j’ai appelé à l’aide. Mon fils saignait et souffrait. Il avait la respiration hachée et était déjà évanoui.»
«Gédéon a rapidement été conduit à l’hôpital, mais il n’a pas pu être sauvé», a expliqué son père.
Une vendeuse de vêtements d’occasion, âgée de 34 ans, a raconté qu’elle a été blessée par balle le 6 août à Lubumbashi :
«Le matin, nous avons entendu du bruit venant de la route. Il y avait beaucoup de coups de feu. J’ai appris qu’il y avait des manifestations pour exiger le retour de Moïse Katumbi. Je n’ai pas osé quitter la maison ce jour-là pour aller vendre des vêtements. Puis vers 11 h, je faisais la lessive dehors quand j’ai entendu un bruit et j’ai senti quelque chose me toucher dans le bassin. J’ai ressenti une légère chaleur, mais cela n’a pas fait mal sur le coup. Ensuite j’ai baissé les yeux et j’ai vu le sang. Je me suis mise à crier et à pleurer. Ma mère m’a vite enlevé ma robe et nous avons vu que j’avais été touchée par une balle. Mon frère est parti immédiatement chercher un taxi pour me conduire à l’hôpital. Un médecin a fini par m’opérer et extraire la balle.
Je pense que j’ai eu de la chance ce jour-là, mais la police ne doit pas tirer à balles réelles sur les personnes pendant les manifestations. Les manifestants peuvent mourir et d’autres personnes qui n’ont rien à voir avec ça, comme moi, peuvent être touchées par des balles perdues».
Le 3 août, des policiers et des fonctionnaires du service de migration congolais ont détenu pour les interroger un correspondant congolais de Radio France Internationale, Baudouin Kamanda Wa Kamanda, ainsi que deux membres du parlement et deux professeurs d’université, après leur retour en RD Congo depuis la Zambie. Les fonctionnaires les ont conduits dans la capitale de la province, Lubumbashi, sous le prétexte d’assurer leur protection et les ont remis au directeur du service de migration à Lubumbashi. Le groupe a été libéré peu après.
La police a arrêté un journaliste congolais de Canal Congo Télévision sur la route alors qu’il se rendait à Kasumbalesa pour couvrir le retour de Moïse Katumbi. Il a expliqué :
«Nous étions à environ 20 kilomètres de la ville [de Kasumbalesa] quand trois jeeps de police sont arrivées et les policiers ont dit à tous les conducteurs de retourner à Lubumbashi. Il y avait une longue file de véhicules à l’arrêt en raison d’un barrage routier plus loin. Nous avons fait demi-tour et j’ai commencé à filmer la longue file de véhicules. À environ 30 kilomètres de Kasumbalesa, des agents de l’ANR [service de renseignements national] et des agents de police se sont approchés de moi, m’ont saisi et m’ont arraché mon téléphone et ma caméra. Ils ont commencé à regarder les images que j’avais filmées et ils m’ont ensuite dit que j’avais porté atteinte à la sûreté de l’État».
«Le journaliste a indiqué que les agents de l’ANR l’ont détenu pendant quatre heures dans une maison à environ 20 mètres de la route, près d’un bureau de police. Ils ont effacé les images qu’il avait filmées et l’ont libéré après lui avoir rendu 150 dollars US sur les 200 qu’ils lui avaient pris», a-t-il ajouté.
Des dizaines de partisans de Moïse Katumbi ont aussi été arrêtés à la frontière avec la Zambie les 3 et 4 août. Au moins 64 d’entre eux, tous des hommes, ont été présentés à un juge le 10 août et accusés de divers chefs d’inculpation, dont « rébellion », « incitation à la désobéissance civile », « destruction méchante » et « vol qualifié ». Ils ont à nouveau été présentés à un juge le 22 août et sont toujours en détention à la prison centrale de Kasapa, à Lubumbashi.
Joël imbole
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