Il faut arrêter ce chef de guerre et ses commandants responsables d’exactions, et enquêter sur leurs soutiens au sein de l’armée
NEW YORK, USA, le 20 Octobre 2020,-/African Media Agency (AMA)/-Les autorités congolaises n’ont toujours pas arrêté un chef rebelle recherché pour nombre de crimes en vertu d’un mandat d’arrêt émis en juin 2019, alors même que ses forces ont continué à commettre des meurtres, des viols, à extorquer de l’argent, et à pratiquer l’esclavage sexuel et le recrutement forcé d’enfants.
Le 7 juin 2019, les autorités judiciaires congolaises ont émis un mandat d’arrêt contre le chef de milice Guidon Shimiray Mwissa (communément appelé Guidon), pour participation à un mouvement insurrectionnel, recrutement d’enfants soldats et crimes contre l’humanité par viol dans l’est de la République démocratique du Congo. Les autorités n’ont pas non plus fourni d’assistance adéquate aux survivantes de violences sexuelles. Les autorités congolaises devraient mettre en œuvre le mandat d’arrêt et traduire en justice les officiers de l’armée nationale qui l’ont soutenu.
« Le mandat d’arrêt délivré en 2019 n’a pas empêché Guidon de commettre d’horribles exactions contre des civils dans les zones qu’il contrôle », a déclaré Thomas Fessy, chercheur principal pour la RD Congo à Human Rights Watch. « Les individus qui le soutiennent au sein de l’armée congolaise devraient faire l’objet d’une enquête et de poursuites judiciaires pour s’être appuyés sur une milice responsable d’abus. »
Guidon commande une faction du Nduma Defense of Congo-Rénové (NDC-R) qui, jusqu’à sa scission en juillet 2020, contrôlait davantage de territoire que tous les autres groupes armés actifs dans l’est de la RD Congo. De fait, une large part des territoires de Walikale, Lubero, Masisi et Rutshuru, dans le Nord Kivu – soit une zone à peu près aussi vaste que le Rwanda voisin – était sous son contrôle administratif. Human Rights Watch n’a pas été en mesure de répertorier la moindre tentative d’arrêter Guidon de la part des autorités congolaises ou des forces de maintien de la paix des Nations Unies. Au contraire, des preuves attestent que des éléments de l’armée congolaise ont collaboré avec le NDC-R. Toutefois, depuis que le groupe s’est scindé en deux factions en juillet, les troupes congolaises ont effectué des opérations militaires contre les forces de Guidon et affirment qu’elles cherchent à l’arrêter.
Entre janvier 2016 et septembre 2020, Human Rights Watch s’est entretenu avec plus de 100 personnes, parmi lesquelles des victimes et des témoins d’attaques perpétrées dans les quatre territoires, d’anciens enfants soldats, des sources au sein des services de sécurité congolais, des membres du personnel de l’ONU et des activistes locaux. Human Rights Watch a également analysé et authentifié bon nombre de séquences filmées par des résidents locaux avec des caméras non-divulguées, montrant des abus perpétrés par les miliciens du NDC-R et prouvant l’existence d’une collaboration entre l’armée congolaise et le groupe armé. Étant donné le caractère généralisé des abus commis et les zones reculées dans lesquelles le NDC-R opère, cette recherche ne couvre seulement qu’une fraction des abus commis.
Depuis 2014, les forces du NDC-R ont tué des dizaines d’hommes, de femmes et d’enfants dans ces quatre territoires, pour la plupart à coups de machette ou par balles. Lors de ces attaques, les combattants ont pillé et incendié des habitations et torturé des hommes et des femmes avec des couteaux et des machettes, selon témoins et victimes, dont d’anciens enfants soldats.
En janvier, des hommes du NDC-R ont détenu une douzaine de personnes dans une bananeraie du territoire de Rutshuru. « [Les miliciens] nous ont fait asseoir ensemble et ont commencé à nous taillader à coups de machette », a affirmé un garçon de 17 ans. Au moins deux hommes ont été tués.
Les combattants du NDC-R ont également commis des violences sexuelles généralisées contre des femmes et des filles, qu’il s’agisse de viols ou d’esclavage sexuel. Des femmes et des filles ont décrit avoir été violées, parfois en même temps qu’elles étaient battues, poignardées ou ligotées. Certaines survivantes ont déclaré avoir été violées à maintes reprises, parfois par plusieurs miliciens.
Human Rights Watch a documenté 15 cas de viol, sur 11 femmes et 4 filles, et a entendu des récits fiables de nombreux autres cas. Une fille de 14 ans du territoire de Masisi a raconté avoir été violée par un combattant du NDC-R alors qu’elle revenait des champs, début 2020 : « Il m’a saisie et m’a forcée à m’allonger sur le sol. Il m’a dit: ‘Si tu refuses, je te tire une balle dans le ventre.’ »
Les combattants du NDC-R ont également recruté de force de nombreux jeunes hommes et garçons et ont imposé des travaux forcés et des « impôts » illégaux aux habitants des zones sous leur contrôle. Les personnes qui n’obéissaient pas ou ne payaient pas ont été enlevées, sévèrement battues et maltraitées alors qu’elles étaient détenues dans des fosses souterraines des bases du NDC-R. Depuis l’émission du mandat d’arrêt contre Guidon, le Baromètre sécuritaire du Kivu – un projet conjoint de Human Rights Watch et du Groupe d’étude sur le Congo basé à l’Université de New York – a recensé une centaine de civils tués par ses forces.
Guidon, 40 ans, est un Nyanga originaire du territoire de Walikale, et ancien militaire de l’armée nationale congolaise qui a déserté en 2007 pour entrer en rébellion. Peu après, il a rejoint le groupe Nduma Defense of Congo (NDC) commandé par Ntabo Ntaberi Sheka. En 2014, Guidon a rompu avec Sheka et a créé le groupe NDC-R. Sheka s’est rendu aux autorités en 2017 et a été inculpé de viols massifs, de meurtres, de pillages, de recrutement d’enfants soldats et de tortures. Son procès s’est déroulé devant un tribunal militaire de Goma qui doit désormais rendre son verdict. Human Rights Watch a, par le passé, documenté de graves abus commis par les forces de Sheka.
En janvier 2018, le Conseil de sécurité de l’ONU a ajouté Guidon à la liste des sanctions onusiennes, gelant ses avoirs et lui imposant une interdiction de voyager. Des rapports du Groupe d’Experts de l’ONU et du Groupe d’étude sur le Congo, ainsi que des vidéos obtenues par Human Rights Watch, ont montré que des unités de l’armée congolaise ont continué à soutenir et à collaborer avec le NDC-R, de la planification d’opérations militaires à la fourniture au groupe d’armes et de munitions.
Un porte-parole de l’armée congolaise pour le Nord Kivu a affirmé par téléphone à Human Rights Watch, en octobre, que les troupes gouvernementales « cherchaient activement à arrêter Guidon. » « Nous voulons mettre la main sur lui vivant pour le remettre entre les mains de la justice », a affirmé le major Guillaume Njike Kaiko. « Nous n’avons pas vu de preuves, mais s’il s’avère que des officiers [de l’armée] ont collaboré avec le groupe armé [NDC-R], ils seront déférés devant les autorités compétentes car c’est aller à l’encontre de la mission de l’armée. »
Le gouvernement congolais devrait intensifier ses efforts pour arrêter Guidon et mettre fin à sa capacité de commettre des exactions, a déclaré Human Rights Watch. Les partenaires internationaux de la RD Congo devraient exhorter, publiquement et en privé, l’administration du président Félix Tshisekedi à agir.
Aux termes de l’article 190 de la constitution congolaise, soutenir des groupes armés non étatiques relève de la haute trahison. En février 2013 à Addis Abeba, 11 pays africains ont signé l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la RD Congo et la région, dans lequel ils s’engagent à ne pas tolérer ni fournir un soutien quelconque à des groupes armés. Les autorités congolaises devraient enquêter sur les sources de soutien aux forces abusives du NDC-R – quelle que soit la faction – et agir pour y mettre un terme. Les commandants militaires impliqués devraient être suspendus et sanctionnés ou poursuivis de manière appropriée.
« Des commandants congolais ont aidé les rebelles de Guidon à contrôler de vastes portions de territoire, alors même qu’ils tuent des civils, violent des femmes et des filles et causent des déplacements massifs de populations », a affirmé Thomas Fessy. « Les autorités congolaises devraient non seulement stopper Guidon, mais aussi tous les officiers de l’armée qui lui ont permis de se soustraire à la justice. »
Exactions commises par les forces de Guidon depuis 2018
Depuis la formation du groupe NDC-R en 2014, ses chefs ont promis à la communauté Nyanga un meilleur accès à la terre et aux ressources minières, de combattre le groupe armé des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), ainsi que d’améliorer sa représentation dans l’administration et dans l’armée. Fort de plusieurs milliers de membres, le NDC-R a mis en place des structures de gouvernance et un système sophistiqué de taxation illégale, essentiellement sur les ménages et les activités minières. Le NDC-R de Guidon est rapidement devenu un partenaire clé pour les unités de l’armée congolaise opérant dans la zone.
Human Rights Watch a documenté des exactions généralisées commises par le NDC-R contre des civils dans certaines zones du territoire de Masisi, ainsi que dans et aux alentours de la localité de Katsiru, dans le territoire de Rutshuru. Selon les relevés du Baromètre sécuritaire du Kivu, le groupe a tué plus de 130 civils, dont des enfants, depuis 2018.
Le 8 juillet 2020, le NDC-R s’est scindé en deux, lorsque les commandants adjoints ont rompu avec Guidon. Depuis, les deux factions se battent pour le contrôle, forçant des milliers de personnes quitter leurs foyers.
Meurtres à Katsiru
En décembre 2019, le NDC-R a pris le contrôle de la localité de Katsiru, dont la population est estimée à 33 000 personnes, dans l’ouest du territoire de Rutshuru. À Katsiru, les troupes de Guidon ont imposé des impôts et des travaux forcés, pillé des habitations et volé des récoltes dans les champs.
À la suite d’affrontements avec un groupe armé rival début 2020, les forces de Guidon ont accusé les civils de collaborer avec l’ennemi et, les 21 et 22 janvier, se sont déchaînées, tuant au moins 15 femmes, hommes et enfants dans les localités voisines de Kabweja, Mukaka et Kinyamugezi.
Le 22 janvier, des combattants du NDC-R ont tué deux bûcherons dans le village de Bulanda. Un homme qui a réussi à leur échapper a déclaré à Human Rights Watch: « [Mon ami] se tenait sur un tronc d’arbre. J’ai entendu des coups de feu et je l’ai vu tomber. » D’après leurs vêtements, il a reconnu les assaillants comme étant du NDC-R et il a indiqué qu’une seconde personne avait été tuée à proximité. Le même jour, des combattants du NDC-R ont ordonné aux habitants de Katsiru d’enterrer les personnes qu’ils avaient tuées auparavant. Des témoins ont affirmé que certains cadavres avaient été mutilés, les organes génitaux et d’autres organes ayant été coupés.
Meurtres dans le territoire de Masisi
Les troupes de Guidon ont également commis des exactions généralisées contre les civils dans le territoire de Masisi, tandis que le NDC-R élargissait sa zone de contrôle vers la fin 2018. Début janvier 2019, des combattants de NDC-R ont tué au moins 15 civils dans la région de Shibu, près de Ronga. Une femme a déclaré qu’elle avait entendu des coups de feu alors qu’elle revenait des champs, portant son enfant sur le dos. En arrivant chez elle, elle a trouvé ses fils, âgés de 8 et 12 ans, morts dans la cour. Elle a essayé de s’enfuir mais elle et l’enfant qu’elle portait ont tous deux été atteints d’une balle. Ce jour-là, a-t-elle affirmé, le NDC-R a tué neuf autres personnes dans une seule maison : une mère qui avait accouché trois jours plus tôt, une nourrice et sept enfants. « Le bébé de trois jours est mort parce qu’il a été abandonné », a-t-elle dit. Quatre hommes ont également été tués dans le même secteur ce jour-là.
En avril 2019 à Ronga, le NDC-R a détenu un couple et son bébé d’un an parce qu’ils n’avaient pas payé l’impôt mensuel illégal. L’homme a versé une amende pour sa remise en liberté, mais n’a pas pu payer davantage pour faire libérer sa femme et son enfant. « Quelques jours plus tard, nous avons entendu dire que certains détenus avaient été tués en tentant de s’enfuir pendant la nuit », a-t-il dit. « J’ai retrouvé ma femme et mon enfant morts. Elle avait été atteinte d’une balle dans le dos et était morte avec le bébé attaché sur le dos.» Les cadavres de trois autres femmes qui étaient détenues pour la même raison ont également été retrouvés le même jour, le 9 avril. Non loin de là, les miliciens du NDC-R ont aussi abattu deux bergers dans le village de Rugarambiro. Deux témoins ont affirmé que les organes génitaux des deux corps avaient été coupés et emportés.
Human Rights Watch a documenté que des combattants du NDC-R avaient tué sept autres personnes, dont deux femmes, en juillet 2019, lors de deux incidents distincts. Des témoins ont affirmé que les organes génitaux avaient également été retirés de la plupart des cadavres masculins.
Le NDC-R a commis d’autres exactions près de Miandja, dans le groupement de Bapfuna, à partir d’août 2018, après avoir chassé du village la milice Nyatura, composée en majorité de Hutus. Un homme des environs a dressé une liste documentant les meurtres de 21 civils par le NDC-R dans les groupements de Bapfuna et Bashali-Kaembe, entre août 2018 et août 2019.
Violences sexuelles dans les territoires de Masisi et Rutshuru
Human Rights Watch s’est entretenu avec des survivantes de viol et a recueilli des informations crédibles concernant des dizaines d’autres cas de violence sexuelle dans le secteur de Katsiru.
En janvier 2020, des combattants du NDC-R ont capturé quatre femmes qui épluchaient des bananes dans une plantation et les ont violées. L’une d’elles, gravement blessée, est morte sur le chemin de l’hôpital de Mweso, près de Katsiru, selon une survivante.
En février, une autre survivante de viol a déclaré : « Il ne se passe pas un jour sans qu’une femme qui a été violée ne se rende au centre de santé…. [Les combattants du NDC-R] nous disent que les Nyatura [un autre groupe armé] sont nos enfants. ‘Nous devons vous violer,’ disent-ils.»
Human Rights Watch a également interrogé sept femmes et trois filles de Masisi qui ont été violées par des miliciens du NDC-R. Une femme de 18 ans a déclaré que les hommes de Guidon l’avaient arrêtée lorsqu’elle se rendait au marché de Bibwe en septembre 2019, l’accusant de ne pas avoir payé l’impôt mensuel. Ils lui ont volé son argent et l’ont passé à tabac. Elle a affirmé qu’ils l’avaient placée dans une maisonnette où un combattant l’a violée au moins deux fois. Elle a été relâchée après que sa mère a donné une chèvre aux miliciens.
En janvier 2020, une fille de 14 ans, déplacée à Mpati, marchait sur la route avec deux amies lorsque trois combattants du NDC-R les ont arrêtées et les ont violées dans les fourrés alentour. « Si nous résistions, ils nous disaient: ‘On va vous tuer’, donc nous ne pouvions rien faire », a-t-elle dit. Les trois filles ont été emmenées dans une position du NDC-R, mais elles ont réussi à s’échapper pendant la nuit lors d’une attaque des Nyaturas.
Human Rights Watch a également recueilli des informations crédibles concernant des filles retenues comme esclaves sexuelles pendant plusieurs jours ou semaines dans des camps du NDC-R. Un activiste a décrit ce genre de situation à Katsiru en février :
Quand [les combattants du NDC-R] rencontrent de jolies filles qui sont mineures, ils les emmènent de force dans leurs camps.… Ils les utilisent comme leurs femmes pendant un temps, puis ils les chassent. Elles doivent rentrer chez elles. C’est comme à tour de rôle ; après cela, ils prennent d’autres jolies filles. C’est comme cela que cela se passe. Ils les gardent plusieurs jours avant de les renvoyer. Les familles de ces filles ne savent pas comment protester – si elles le font, elles peuvent être tuées.
Une femme de 45 ans a affirmé que les combattants du NDC-R avaient enlevé sa fille de 14 ans et quatre autres filles, en mars 2019. Elles vivaient dans un camp pour personnes déplacées à Mpati. Elle a affirmé que les combattants avaient emmené les cinq filles dans leur campement et que plusieurs hommes les avaient violées à plusieurs reprises. Sa fille n’a pu s’échapper que deux mois plus tard.
Cette femme a affirmé qu’en juillet 2019, quatre combattants du NDC-R sont venus chez elle et l’ont forcée à les conduire à sa fille, qui s’était cachée. Ils les ont ensuite emmenées vers leur position, où ils les ont battues et détenues, pieds et mains liées, dans une fosse sous-terraine – comme on en trouve fréquemment dans les postes du NDC-R. Les combattants du NDC-R les ont violées toutes les deux à plusieurs reprises. La mère a été remise en liberté neuf jours plus tard et la fille a finalement été libérée à son tour après versement d’une rançon. Craignant de nouvelles représailles, la fille s’est enfuie de Mpati.
En juin, le Groupe d’Experts des Nations Unies sur la RD Congo a conclu que des combattants armés, en particulier ceux du NDC-R et du Collectif des mouvements pour le changement/Forces de défense du peuple (CMC/FDP), une coalition de milices Nyaturas, avaient « commis des violences sexuelles généralisées liées au conflit au milieu de combats récurrents sur les territoires de Masisi et de Rutshuru, de janvier 2019 à février 2020…. Ces actes incluaient notamment des viols, des viols collectifs et des cas d’esclavage sexuel et de mariage forcé, qui pourraient constituer des actes de torture, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. »
Le Groupe d’experts a également relevé que « certains commandants de NDC-R et du CMC/FDP ont commis ces actes et des commandants des deux groupes armés, qui avaient un contrôle effectif, n’ont pas pris les mesures nécessaires pour punir les subordonnés responsables de ces actes, alors qu’ils en avaient connaissance ou les ont délibérément ignorés. »
‘Taxation’ illégale; Travaux forcés
Le NDC-R a mis en place un système perfectionné de taxation illégale dans les zones qu’il contrôle. Les adultes sont contraints de payer environ 1 000 francs congolais (0,60 dollars US) par mois, représentant un impôt de sécurité communément appelée lala salama (« dormez en paix » en swahili). Le groupe de Guidon a parfois également imposé des taxes supplémentaires à la population. Les personnes incapables de payer étaient souvent arrêtées, tabassées, violées et forcées à verser d’importantes sommes en liquide ou en nature pour être remises en liberté.
Les combattants du NDC-R ont souvent forcé adultes et enfants à participer à des « travaux communautaires », ou salongo en swahili. Plusieurs personnes du territoire de Masisi ont affirmé que les hommes et les garçons étaient obligés de travailler un ou deux jours par semaine. Cela incluait des travaux lourds, comme creuser des tranchées ou construire des abris dans les campements du NDC-R, tracer et dégager des routes ou défricher des terres.
Ceux qui ne se pliaient pas à l’obligation du salongo étaient passés à tabac et forcés à payer des « amendes. » Pour le travail effectué, le NDC-R distribuait des jetons, qui servaient de certificat de participation.
Un enseignant du territoire de Masisi a déclaré : « Nous gardons précieusement les jetons. Si j’en perds un et s’ils [les NDC-R] m’arrêtent sur la route, ils peuvent me tuer. Même les écoliers doivent faire ce travail. »
Soutien de l’armée congolaise
Le NDC-R a rapidement bénéficié du soutien d’officiers de l’armée congolaise, qui se sont servis du groupe comme force auxiliaire dans leur lutte contre d’autres milices. Plusieurs sources ont affirmé à Human Rights Watch que les troupes de Guidon avaient régulièrement reçu du matériel ainsi qu’un appui opérationnel des 3307ème, 3410ème et 3411ème régiments des forces armées congolaises au moins depuis le début de l’année 2018. Ces régiments ont tous été engagés dans les opérations « Sukola 2 » (« nettoyer » en lingala) contre les rebelles des FDLR. Ce soutien a également été apporté par l’intermédiaire de la 34ème Région militaire basée à Goma.
Le NDC-R a activement participé aux opérations militaires contre les rebelles des FDLR et ses rejetons pendant toute l’année 2019, selon plusieurs sources, confirmant son rôle de premier plan de force supplétive de l’armée congolaise. Cette collaboration semble avoir été étroitement gérée par certains réseaux au sein de l’armée congolaise, en échange d’un accès aux ressources naturelles dans les zones où le NDC-R opérait et contrôlait une grande partie des affaires et du commerce de l’or et d’autres minerais aux abords des sites miniers.
Des officiers supérieurs de l’armée congolaise ont fourni aux troupes du NDC-R un soutien matériel, notamment en armes et munitions. Au moins cinq sources ont affirmé que le général Innocent Gahizi, ancien commandant adjoint pour le Nord Kivu, en faisait partie.
Au moins quatre sources ont déclaré que le colonel Yves Kijenga, ancien commandant du 3411ème régiment à Kitchanga, a rencontré à plusieurs reprises des commandants supérieurs du NDC-R pour organiser la livraison de matériel militaire et qu’il gérait les opérations quotidiennes avec le groupe. Au moins deux autres sources ont également confirmé l’implication du colonel Claude Rusimbi, un officier supérieur du même régiment.
Rusimbi a démenti les allégations lorsque Human Rights Watch l’a contacté par téléphone en octobre. Il a déclaré qu’il n’avait « participé à aucune réunion » avec le NDC-R et qu’il « n’etai[t] pas au courant du soutien de l’armée » au groupe. Human Rights Watch a tenté de joindre Gahizi et Kijenga, sans succès.
Dans la localité de Katsiru, par exemple, des habitants ont indiqué que la collaboration entre les troupes gouvernementales et le groupe NDC-R était bien connue. « On les voit ensemble – ils boivent même des bières ensemble », a déclaré un habitant en février. « Les Ndime Ndime [NDC-R] ‘arrêtent’ des gens, mais les militaires n’interviennent pas.»
Deux sources ont décrit une réunion à laquelle elles ont participé à Katsiru le 23 décembre 2019, avec les autorités locales et un commandant de l’armée – du 3307ème régiment basé à Nyanzale – qui avait demandé au NDC-R de venir sur place. « Nous étions tous là un matin et [un commandant de l’armée] a appelé le ‘général’ Guidon à partir de son téléphone », a déclaré l’un de ces deux témoins. « [Le commandant de l’armée] lui a dit : ‘Guidon, peux-tu envoyer des troupes pour garder la cité de Katsiru ?’ À 2h00 de l’après-midi le même jour, les combattants [NDC-R] étaient déjà arrivés. » Le même témoin a précisé que Guidon lui-même avait passé la nuit sur place. Il est reparti le lendemain mais est revenu à Katsiru environ deux semaines plus tard.
Les forces de Guidon ont tenu plusieurs positions à proximité de Katsiru avec environ 200 combattants – dont certains avaient été recrutés sur place – selon nombre d’habitants. Seulement 17 militaires gouvernementaux et 7 agents de police étaient stationnés sur place.
Des vidéos obtenues par Human Rights Watch apportent des preuves supplémentaires de cette collaboration. Dans l’une d’elles, filmée dans le territoire de Masisi en 2019, un milicien du NDC-R déclare:
Nous n’avons pas de problèmes [avec l’armée congolaise]. Hier, nous sommes venus à Masisi-centre et nous étions avec eux. Nous travaillons ensemble et la collaboration marche très bien. Nous avons aussi passé la nuit ensemble…. Quand nous avons besoin de munitions, ce n’est pas vraiment un problème. Tout ce que nous avons à faire, c’est donner un coup de téléphone et un convoi de l’armée arrive. Nous ne sommes pas des rebelles.
Dans une autre vidéo, un combattant du NDC-R affirme: « En fin de compte, nous voulions être intégrés [dans l’armée]… Notre entraînement est comme le leur ; nous sommes les enfants du gouvernement. Quand notre route croise celle des troupes du gouvernement, nous avons une conversation. »
Un commandant du NDC-R visible sur une autre séquence va même plus loin : « Quand [Mapenzi Likuhe, l’adjoint de Guidon à l’époque] arrive à Goma, il se rend d’abord au quartier général de la [34ème] région militaire. Là-bas, ils chargent des agents de police de garder sa maison. » D’autres sources ont confirmé la présence occasionnelle de Mapenzi à Goma pour des réunions avec des officiers de l’armée.
À partir de fin 2018, le NDC-R de Guidon est de plus en plus devenu un atout pour les unités de l’armée congolaise menant des opérations contre d’autres groupes armés. Les combattants de NDC-R étaient souvent envoyés en première ligne et, de décembre 2018 à janvier 2019, ils ont chassé du Masisi les hommes du Conseil national pour le renouveau et la démocratie (CNRD) – un groupe dissident des FDLR rwandais – et leurs dépendants, ainsi que le CMC.
Dans une autre vidéo, un combattant du NDC-R décrit le partage des rôles au combat. « Nous nous séparons en deux groupes. Nous, nous sommes en première ligne et ils [l’armée congolaise] sont à l’arrière », dit-il. « Ou bien nous couvrons un flanc et ils en couvrent un autre, et nous nous regroupons ensuite dans un lieu convenu. »
Dans une vidéo filmée en 2019 dans le territoire de Masisi, on peut voir deux officiers du 3410ème régiment de l’armée congolaise discutant de leur collaboration avec le NDC-R. « Notre cohabitation a été très pacifique », dit l’un d’eux. L’autre officier, qui se fait appeler « commandant », dit que les combattants du NDC-R « peuvent même venir passer la nuit dans nos positions s’ils le souhaitent … ils sont vraiment liés à nous, ce sont nos enfants. Ils sont venus pour se joindre aux opérations contre les FDLR.» Et il ajoute: « Pourquoi voudriez-vous qualifier de ‘rebelle’ quelqu’un qui passe autant de temps avec nous ?»
Human Rights Watch a également reçu des informations faisant état d’une collaboration entre les forces de sécurité rwandaises et le NDC-R de Guidon. Ces informations devraient faire l’objet d’une enquête.
Distribué par African Media Agency (AMA) pour Human Rights Watch.
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