Félix Tshisekedi et Joseph Kabila se sont encore entretenus il y a quatre jours mais sans arriver à aplanir (tous) leurs différends. Une prochaine rencontre est annoncée, et en entendant, ce sont les négociateurs des deux camps qui discutent. Selon des indiscrétions, faute d’annonce officielle, les discussions portent sur la territoriale, où on a vu le ministre de l’Intérieur, proche de Tshisekedi, aux prises avec celui de la Décentralisation, proche de Kabila, la CENI (réformes et présidence), et quelques arithmétiques de postes à se partager pour des nominations ici et là à venir. Mais peut-on être sûr que c’est bien là le problème entre les deux personnalités ? Voyons.
Ces derniers jours, une campagne est apparue, menée par des communicateurs attitrés comme Kikaya Bin Karubi et d’autres figures du FCC, pour annoncer le retour de Kabila au pouvoir en 2023. Même un pasteur bien connu et dernièrement repentant de ses mensonges, y donne de la voix. Est-ce dans cette perspective que les discussions bloquent entre le président et son prétendu rival annoncé ? Ce n’est pas l’avis de certains observateurs qui estiment que Kabila n’a, en réalité, aucun intérêt ni aucune envie de revenir aux affaires. Par contre, c’est dans ses habitudes de laisser ses courtisans faire leur show jusqu’au moment où il va siffler la fin de la recréation. Ainsi lors du choix comme dauphin de l’inattendu Shadary, l’homme qui n’avait aucune chance pour la présidentielle, alors que les poids lourds Matata, Bahati et autres pouvaient faire valoir de meilleurs arguments. A croire que Kabila avait lui-même programmé la défaite de son camp.
Ce que Kabila veut c’est sa sécurité, sa tranquillité, pour lui et sa famille. Il sait aussi que ceux qui le veulent à la tête du pays c’est pour qu’il serve de caution à leurs « coops ». Que va-t-il réellement gagner, lui qui est déjà multimillionnaire, en ajoutant quelques millions de plus à ses avoirs, lui qui déjà ne sort presque jamais du pays ? Il est dès lors illusoire de le voir mettre à mal sa relation avec Tshisekedi pour servir les appétits de ses laudateurs. Au besoin, il n’hésite pas les mouches trop zélées se brûler les ailes. Kalev, Shadary et tout récemment Tunda en savent quelque chose, à leur corps défendant.
Peut-être avons-nous des yeux pour ne pas voir. Tshisekedi est en train d’avancer dans une logique qu’il a pourtant annoncée depuis le commencement : « la réconciliation », tant au niveau national que régional, avec par exemple, pour ce dernier point, le projet du sommet manqué de Goma. Dans son intervention par visioconférence au 75ème sommet de l’ONU, il a parlé de la « justice transitionnelle », c.-à-d. un ensemble de mesures judiciaires et non judiciaires permettant de remédier au lourd héritage des temps des abus des droits humains. La justice transitionnelle a pour caractéristique de chercher un difficile équilibre entre punir et pardonner, ceci afin de satisfaire au mieux deux objectifs contradictoires : d’un côté, garantir l’impunité et de l’autre, restaurer l’unité de la société. Ceci explique la difficulté de la mission de Tshisekedi, surtout face aux tenants d’une justice pénale dure, où la limite entre justice et vengeance est floue, et ce souvent pour des motifs qu’eux-mêmes ignorent.
Le fait est que Tshisekedi marque des points, mine de rien. Les arguments juridiques, politiques et populaires sont aujourd’hui en faveur de Fatshi. Au sein de l’armée, il est en train d’asseoir son contrôle, et l’arrestation récente de Christian KengaKenga, le bras droit de John Numbi dans l’assassinat de Floribert Chebeya fragilise la position de cet ex-homme fort du régime Kabila. Tout n’est peut-être que question de temps. Aux élites et à la Société civile de leur côté, de faire leur part pour avoir de bonnes élections en 2023, puisque Rome n’a pas été construit en un jour. N’attendez pas la dissolution de l’accord pour le moment.
Serge Gontcho di Spiritu Sanctu (+ 243 81 27 22 490)
Conscience Nationale en Action (CNA)
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