L’Organisation des Nations Unies (ONU) a rendu public mardi 26 juin 2018 son rapport sur les violences commises dans le grand Kasaï en République démocratique du Congo (RDC). Trois experts du Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations unies [Bacre Ndiaye (Sénégal), Luc Côté (Canada) et Fatimata M’Baye (Mauritanie)] ont enquêté pendant un an à travers les cinq provinces théâtre de violence et d’une répression de l’armée entre 2016 et 2017. Les experts devaient déterminer les faits concernant d’éventuelles violations des droits de l’homme. Selon eux, les forces de sécurité et les milices ont commis des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité dans la région.
« Nous sommes choqués par la situation désastreuse qui a coûté la vie à plusieurs milliers de personnes et qui perdure dans la région sans attirer ni l’attention ni au plan national ni international », a déclaré M. Bacre Waly Ndiaye, président de l’Équipe d’experts. « Il est grand temps que la justice mette fin à l’impunité de ces crimes si l’on ne veut pas que la dimension ethnique de ce conflit ne s’aggrave encore », a-t-il poursuivi.
Les experts recommandent la mise en place d’une politique de désarmement et d’un processus de réconciliation
L’équipe d’experts internationaux demande que soit urgemment mis en place une politique de désarmement des milices ainsi qu’un processus de réconciliation afin d’éviter une nouvelle vague de violences et de permettre le retour des déplacés et réfugiés.
Elle rappelle qu’il incombe en premier lieu aux autorités congolaises de juger les auteurs de crimes internationaux pour lutter contre l’impunité qui persiste malgré l’ampleur et la gravité de ces crimes.
Cette même équipe recommande notamment de renforcer les capacités des organes d’enquête militaire pour qu’ils puissent enquêter et poursuivre et juger les auteurs – y compris les plus hauts responsables – des crimes internationaux commis au Kasaï depuis 2016. Elle demande aussi que des soins adaptés soient donnés aux survivants et survivantes des viols et de violences sexuelles.
Les enfants, principales victimes
Les violences ont particulièrement affecté les enfants du Kasaï. Ces derniers ont en effet été à la fois les principales victimes et acteurs des violences. Alors que le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF) a dénombré 1220 garçons et 658 filles recrutés et utilisés par la milice Kamuina Nsapu au 30 août 2017, l’équipe d’experts estime que leur nombre est beaucoup plus élevé et que le recrutement continue.
Beaucoup d’enfants ont été enlevés, blessés, mutilés, détenus ou exécutés. Certains ont vu leurs parents battus, décapités ou leurs mères violées.
« Beaucoup d’enfants ont été forcés à combattre, placés en première ligne sans armes ou avec des armes factices, ou traditionnels, alors que d’autres ont été forcés à tuer et décapiter », explique Mme. M’Baye qui fait partie des experts. « Vous n’imaginez pas l’ampleur des traumatismes physiques et psychologiques que cela engendre, sans parler de leur stigmatisation nécessitant une prise en charge à long terme », alerte-t-elle.
Violences sexuelles
Nombre de femmes ont été violées, parfois par de multiples assaillants simultanément ou de manière répétée, devant leur mari, leurs enfants ou d’autres membres de leur famille.
Un grand nombre de femmes victimes de violences sexuelles et principalement de viols ont témoigné des difficultés auxquelles elles doivent faire face. Outre les difficultés médicales et psychologiques endurées, les survivantes subissent également l’ostracisme de leur famille et de leur communauté en raison du poids des traditions et des difficultés économiques et sociales qui en découlent.
C’est donc tout le tissu social kasaïen qui subit les conséquences de ces violences sexuelles. La plupart des survivantes hésitent à porter plainte de peur d’être stigmatisées et à cause du sentiment général de méfiance envers la justice, de l’absence de réparation effective et de l’ostracisme dont elles sont victimes.
Suite à la vague de violence qui a déferlé au Kasaï depuis 2016, le Conseil des droits de l’homme avait décidé à l’unanimité, le 23 juin 2017, de dépêcher, par la résolution 35/33, l’équipe d’experts internationaux sur la situation au Kasaï pour une période d’un an.
La résolution demande de présenter son rapport détaillé avec les conclusions de l’équipe au Conseil des droits de l’homme lors du dialogue interactif renforcé sur la situation du Kasaï le 3 juillet 2018.
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