De 1885 à nos jours, il se joue sur le sol congolais, transformé en un vaste amphithéâtre, des pièces, toutes des tragédies auxquelles le peuple est forcé de rire, de pleurer, même sans rien comprendre des énigmes dont seuls les metteurs en scènes et les acteurs détiennent les secrets. Si dans le passé ces acteurs et metteurs en scène étaient exclusivement des étrangers, aujourd’hui ces derniers se sont mêlés aux fils et filles du terroir qui ont vendu leurs âmes pour trahir leur patrie. Insensibles aux millions de vies humaines impitoyablement fauchées pour l’avènement de la démocratie et de l’État de droit, ces traîtres et leurs complices n’ont pour préoccupation que leurs intérêts égoïstes.
A l’instar de la démocratie qui peine à démarrer, le multipartisme lancé en 1990 n’a pas réussi jusque-là à produire une classe politique digne de confiance du peuple. Il en a été ainsi du temps de Mobutu et il en est encore ainsi de nos jours. Le peuple et tous les observateurs s’interrogent, à juste titre, sur le rôle exact de politiques, composés majoritairement d’individus comparables à nos artistes musiciens qui, de jour comme de nuit, se flanquent des verres fumés de sorte qu’il est difficile de savoir où leurs regards sont dirigés ou tout simplement s’ils sont éveillés ou s’ils dorment. En même temps que, publiquement, nos « politiciens », opposition comme majorité, feignent de défendre les intérêts du peuple et la Constitution, en coulisse, ils se précipitent de passer à la caisse pour les services de diversion rendus à leur faux adversaire.
Cette énième crise politique en République Démocratique du Congo tout comme les précédentes, est générée par les mêmes causes ; à savoir, la lutte pour le pouvoir, l’incapacité d’accepter les règles démocratiques, la difficulté de réunir les leaders politiques congolais autour des enjeux politiques, économiques, culturels et sociaux du pays et l’incapacité d’amorcer un changement qualitatif au profit du bien-être de la population. Si d’aucuns avaient estimé que la voie de la négociation était la meilleure pour la stabilité politique et la dissipation des antagonismes, la situation actuelle suscite beaucoup d’interrogations en même temps qu’elle génère une crise de confiance manifestée au sein du peuple congolais vis-à-vis de la classe politique dans son ensemble.
Après un premier dialogue ayant conduit à l’accord du 18/10/2016, dialogue considéré comme non inclusif, un deuxième dialogue, présenté comme global et inclusif a été initié le 08 décembre dernier. Placé sous l’égide de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO), ce deuxième dialogue devait conduire à un deuxième accord qui a été signé le 31/12/2016. Accord dénommé « Compromis politique global inclusif ».
Les parties prenantes à ce dialogue dit global et inclusif sont, d’une part, les partis de l’opposition regroupés sous différentes bannières : le Rassemblement, le front pour le respect de la Constitution, l’opposition ayant participé au premier dialogue ; d’autre part, la Majorité présidentielle et la société civile. L’arbitre considéré comme l’autorité morale « neutre », c’est la CENCO qui, soit dit en passant, n’en est pas à sa première expérience de médiation.
L’objectif poursuivi par ce deuxième dialogue était d’apaiser les tensions politiques et sociales dans la perspective des prochaines élections provinciales, législatives et présidentielle que les Congolais espèrent « transparentes et crédibles ». L’enjeu est donc de taille. Cependant il y a une crise de confiance manifeste au sein des parties prenantes, et cela peut entraîner la perte du peu de confiance que la population témoigne encore à certains acteurs politiques et à certaines institutions.
Un accord politique problématique
Cet accord politique demeure problématique dans la mesure où il a des implications juridiques qui impactent la Constitution et les institutions en place. N’est-ce pas là le nœud du problème, au-delà des intérêts des différentes forces en présence ou personnels ? Car, la relation entre la constitution et les accords politiques, dans certains États africains en crise ou fraîchement sortis d’une période de conflits, est marquée par des expériences juridiques et institutionnelles exceptionnelles, voire parfois surréalistes.
En effet, où situe-t-on les organes prévus par le futur accord politique, notamment le Conseil National de Suivi de l’Accord et du processus électoral (CNSA) par rapport à la Constitution et aux institutions en places ? Puisque les parties en présence revendiquent toutes, le respect de la Constitution, ne seraient-elles pas en train de violer cette même Constitution qui apparaît dès lors comme une feuille de chou mangée à toutes les sauces ? Par ailleurs, l’Accord politique mentionne à la page 9 le point relatif au financement des élections et exhorte le Parlement à exercer le contrôle budgétaire des ressources mises à la disposition de la CENI. Le budget de 4,5 milliard de dollars, présenté au parlement, a-t-il été adopté ? Quid également du budget de la CENI ? Est- ce avec cette prévision budgétaire que l’on va gérer la transition, calmer les tensions sociales et organiser les élections ? La classe politique ne serait-elle pas tombée dans les travers habituels, à savoir le partage des postes politiques et l’accès au peu de ressources financières alors que l’urgence s’impose pour stopper l’hémorragie financière causée entre autre par les détournements de fonds publics et la corruption généralisée?
L’on se retrouve dans l’incohérence même qui a généré cette Crise. En effet, celle-ci est née du non-respect de la Constitution. Où situe-t-on cet Accord politique par rapport à la Loi fondamentale ? N’aurait- il pas été plus simple et logique de respecter la Constitution plutôt que d’en faire un usage sélectif de ses articles ?
Cet Accord politique dans sa globalité n’a aucun caractère contraignant. En cas de non-respect ou de violation de cet Accord, qu’adviendrait-il ? Ce deuxième dialogue, à l’instar du premier, porte en lui les germes d’une nouvelle crise de légitimité et de légalité. Cependant le Congo compte parmi ses fils et ses filles des experts qui peuvent aider à sortir de cette crise sans perdre les acquis ni refaire l’histoire de la roue. Le manque d’humilité et de sagesse de la classe politique l’aveugle et met en péril l’avenir de notre pays. Il est encore temps de se ressaisir dans la résolution de cette crise. Aussi, il est nécessaire de mettre en place quelques commissions d’experts qui se pencheront sur les matières techniques et formuleront des propositions réalistes et réalisables dans les délais raisonnables.
Du partage du gâteau
C’est un retour au partage équitable et équilibré du pouvoir qui dénote une fois de plus l’idiosyncrasie de la crasse politique congolaise.
Comme l’a écrit le Professeur Omasombo, une évolution positive pour le pays n’est acceptée que lorsque les intérêts de toutes les parties s’y retrouvent garantis: le gouvernement, l’opposition, la société civile, les confessions religieuses, les multinationales, les Etats-Unis, les puissances Européennes, les pays émergents, le FMI, la Banque Mondiale, les pays voisins, les puissances régionales… Le petit peuple est souvent le plus perdant (massacres, viols…), le développement inclusif, équitable et équilibre pas prioritaire.
Joël Imbole
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