C’est depuis près de trois mois que les villes de Goma et de Bukavu, respectivement chef-lieu des provinces du Nord et Sud-Kivu en République démocratique du Congo, sont occupées par le mouvement rebelle AFC/M23 appuyé par le Rwanda.
Cette situation exceptionnelle d’occupation a conduit le gouvernement congolais à délocaliser temporairement le chef-lieu de la province du Nord-Kivu dans la ville Beni et la ville d’Uvira comme chef-lieu de la province du Sud-Kivu.
Pour ce faire, que prévoit la loi pour la délocalisation temporaire ?
Dans une interview exclusive ce mardi 22 avril 2025 avec Maître Magnifique Bisimwa, Avocat au Barreau de Matete/Kinshasa, la Constitution de la République démocratique du Congo et les lois organiques prévoient des mécanismes pour assurer la continuité administrative en cas de force majeure. Il a évoqué quelques lois organiques :
– Loi organique n° 15/006 du 25 mars 2015 : Cette loi fixe les limites des provinces et leurs chefs-lieux, mais elle prévoit également des conditions pour délocaliser un chef-lieu en cas de nécessité, notamment pour des raisons de sécurité ou d’intégrité nationale .
– Loi n° 08/012 du 31 juillet 2008 : Elle établit les principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces et permet des adaptations en cas de circonstances exceptionnelles .
Procédure de délocalisation
La délocalisation d’un chef-lieu est une décision qui émane du gouvernement central, souvent sur proposition des autorités provinciales ou en coordination avec elles. Quelques faits :
– Sud-Kivu : Suite à l’occupation de Bukavu par les rebelles du M23, le gouvernement a officiellement désigné Uvira comme chef-lieu provisoire par un télégramme du vice-Premier ministre, ministre de l’Intérieur, en date du 28 février 2025 .
– Nord-Kivu : Le gouverneur militaire a pris une note de service le 1er février 2025 pour délocaliser les institutions provinciales de Goma vers Beni, en raison de l’occupation de Goma par les rebelles .
Conditions de la délocalisation
La loi exige que la délocalisation soit :
– Temporaire : Elle ne peut être que provisoire, le temps de rétablir la situation sécuritaire. Par exemple, les autorités du Sud-Kivu ont souligné que la désignation d’Uvira comme chef-lieu est une mesure intérimaire .
– Motivée par des circonstances exceptionnelles : Comme une occupation militaire, une insécurité extrême, ou une incapacité à exercer l’autorité depuis le chef-lieu traditionnel .
– Officialisée par un acte administratif : Un télégramme, une note de service, ou une décision gouvernementale doit formaliser la mesure .
Conséquences juridiques et administratives
– Transfert des institutions : Les services publics provinciaux (gouvernorat, assemblée provinciale, etc.) doivent s’installer dans le nouveau chef-lieu temporaire. Par exemple, l’Assemblée provinciale du Sud-Kivu a tenu sa session ordinaire à Uvira en mars 2025, conformément à son règlement intérieur qui prévoit cette possibilité en cas de force majeure .
– Maintien des compétences : Les autorités provinciales continuent à exercer leurs fonctions depuis le nouveau lieu, comme l’a fait le gouverneur du Sud-Kivu depuis Uvira .
Retour à la normale
La loi ne fixe pas de délai précis pour le retour au chef-lieu originel, mais cela dépend du rétablissement de la sécurité. Par exemple, à Beni (Nord-Kivu), la délocalisation est présentée comme provisoire « dans le souci de permettre la reconquête des zones occupées » .
Cas concrets : Uvira (Sud-Kivu) et Beni (Nord-Kivu)
– Uvira : Devenue chef-lieu provisoire du Sud-Kivu en février 2025 après l’occupation de Bukavu. Cette décision a été prise pour garantir la continuité administrative et sécuriser les institutions provinciales .
– Beni : Désignée comme chef-lieu provisoire du Nord-Kivu en février 2025 après la chute de Goma. Le gouverneur militaire y a relocalisé les institutions provinciales .
En résumé, le droit congolais permet une délocalisation temporaire du chef-lieu d’une province en cas de nécessité impérieuse, sous réserve que cette mesure soit officialisée, motivée par des circonstances exceptionnelles, et respecte le principe de temporarité.
Les cas d’Uvira et de Beni illustrent cette flexibilité juridique face aux crises sécuritaires.
Il sied de noter que les pourparlers entre les délégations du gouvernement congolais et des rebelles AFC/M23 se poursuivent à Doha, capitale du Quatar, sous le facilitation du pays hôte.
Rédaction
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