Le 10 décembre de chaque année, le monde célèbre la journée internationale des droits de l’Homme. Ceci, en référence à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH) adoptée par l’Assemblée Générale des Nations-Unies le 10 décembre 1948. Ce texte constitue la référence en ce qui concerne la protection des droits et libertés fondamentaux de la personne humaine. En vertu de cet instrument juridique internationalement reconnu, toute personne humaine dispose des droits inaliénables liés directement à sa personne, quels que soient son âge, son sexe, son origine, son statut social, sa race, sa religion, son appartenance politique ou toute autre situation.
La situation des droits de l’Homme toujours préoccupante à l’Est de la RDC
Les populations civiles à l’Est de la RDC continuent de subir des violations massives de leurs droits les plus fondamentaux. En plus des massacres, tueries, viols et violences sexuels découlant directement des conflits armés interminables dans la zone ; ces populations subissent plusieurs autres conséquences néfastes liées aux maladies et catastrophes. Elles sont malheureusement abandonnées à leur triste sort, par les personnes et institutions chargées d’assurer leur protection en toutes circonstances.
La zone subie une instabilité qui ne dit pas son nom, et l’état de droit est loin d’y exister.
Sans être exhaustif, les défis à la mise en œuvre des droits de l’Homme à l’Est de la RDC sont entre autres :
– La crise politique : les institutions établies souffrent d’une crise de légitimité. D’aucuns estiment que les processus électoraux ne sont pas crédibles comme c’est le cas pour l’ensemble du pays, et que les autorités établies ne jouissent pas de la légitimité. Tout est concentré entre les mains des « autorités morales » qui dictent les directives, ne tenant pas compte des réalités sur le terrain, moins encore des intérêts des populations représentées. Une main noire du pouvoir de Kinshasa s’implique le plus souvent pour protéger les gouverneurs du parti au pouvoir, malgré le fait qu’ils fassent preuve de la mauvaise gouvernance. Tel est le cas du Sud-Kivu depuis plusieurs années maintenant. Les organismes de défense des droits de l’Homme ne sont pas le bienvenu, et les activistes sont ciblés ; notamment des agences humanitaires prises pour cibles par des acteurs armés. A ceci s’ajoute l’injustice et l’impunité, ce qui encourage la violation des droits de l’Homme.
– La crise de la gouvernance : l’ensemble de la RDC connait une mauvaise gouvernance sans précédent. La gestion de la chose publique profite à une catégorie des personnes (particulièrement les hommes politiques), alors que les autres (enseignants, médecins, etc.) croupissent dans la misère. Ainsi, des mouvements de grève et manifestations publiques sont enregistrés au quotidien à travers plusieurs coins du pays. En particulier, les provinces du Nord et du Sud-Kivu connaissent des manifestations populaires régulières. A ces occasions, les manifestants (parmi lesquels des femmes et des enfants) sont sérieusement réprimés jusqu’à ce que l’on enregistre des morts et blessés par balles réelles. Les nominations des gestionnaires des entreprises publiques, paraétatiques sont non respectueuses du Genre, de la diversité et de l’inclusion ; caractérisées également par le tribalisme et le militantisme.
– Les conflits armés et intercommunautaires récurrents : le gouvernement de la RDC n’est pas à mesure d’assurer le contrôle de ses frontières particulièrement à l’Est, plusieurs zones sont soit occupées par les milices locales et étrangères, soit sous aucune autorité. Des administrations parallèles sont signalées. Ces situations déstabilisent toute la partie Est du pays, avec des impacts considérables sur toute la région des Grands-Lacs africains. Les conflits armés et intercommunautaires / interethniques sont notamment causés par les problèmes fonciers non résolus, la course aux ressources naturelles, la prolifération des milices (appuyés en interne comme à l’extérieur du pays) ainsi que la faiblesse de la Communauté internationale à appuyer la stabilité dans le pays. En plus du nombre incalculable des morts, blessés et traumatisés ; l’Est de la RDC compte à ce jour des milliers de personnes déplacées internes et autres vulnérables à l’issue de ces conflits.
– La crise économique : portant potentiellement riche, la RDC connait des sérieuses difficultés pour décoller sur le plan économique. L’inflation fait rage depuis quelques années par exemple, les industries sont tombées en désuétude, les ressources naturelles pillées et exportées vers l’étranger, le taux de chômage et de la délinquance juvénile très élevé, l’exode rurale, la fuite de cerveau, la répartition inégale des ressources, la détérioration des infrastructures socio- économiques de base, la flambée des prix des produits de première nécessité, etc. Pour toutdire, le congolais vit en dessous du seuil normal.
– La crise sanitaire : le système de santé de la RDC connait encore de sérieuses difficultés pour son bon fonctionnement, notamment à l’Est du pays connaissant des zones physiquement inaccessibles. Il n’est pas capable de faire rapidement et efficacement face aux pandémies et épidémies. C’est ainsi que le paludisme, le choléra, la poliomyélite, etc. déstabilisent la zone.
A ceci s’ajoutent la maladie à virus Ebola ainsi que la Covid-19 qui ont plongé la population et le gouvernement dans un désastre qui ne dit pas son nom.
– Les catastrophes naturelles et celles liées à l’activité humaine : la RDC fait face à plusieurs catastrophes dont l’éruption volcanique (notamment le Nyiragongo et le Nyamulagira en province du Nord-Kivu) suivie des tremblements de terre ; l’affaissement des sols et l’éboulement des terrains (notamment au Sud-Kivu) ; les érosions, les incendies des maisons presque partout dans la partie Est du pays, etc. Ces catastrophes sont à la base de plusieurs effets néfastes (décès, blessures, maladies et traumatisme, pertes en matériels, etc.) sur les populations.
– Les mentalités rétrogrades : les coutumes et croyances religieuses non conformes au respect des droits de l’Homme, impactant négativement sur la situation du pays. C’est notamment la faible scolarisation des femmes / filles, la masculinisation de certains services (comme l’armée, la police, la construction, la politique, etc.), le tribalisme, l’exclusion des personnes handicapées et autres personnes à risque de discrimination, etc.
En tant que personne humaine, le congolais mérite le respect de ses droits
A cause de la souffrance ayant dépassé le seuil, la capacité de résilience des populations civiles de l’Est de la RDC est presque arrivée à son bout. Malheureusement, une sorte de naïveté se développe aunpoint où les populations sont obligées de toujours applaudir les mêmes personnes incapables de les protéger et d’assurer le plein respect de leurs droits tels que définis dans la DUDH. Les acteurs humanitaires essaient d’intervenir en faveur de ces populations (devenues presque indépendantes de l’aide), mais ne pourraient jamais jouer le rôle de l’Etat, leurs interventions ne constituant qu’un appoint. Il est donc grand temps qu’un regard particulier soit tourné vers l’Est de la RDC pour y garantir le plein respect des droits de l’Homme et mettre fin aux violations qui sont quotidiennement rapportées par les défenseurs des droits humaines actifs dans cette zone.
Réflexion de Ibrahim NGILA KIKUNI, MSc ; Chef de Travaux au Département de Relations Internationales de l’Université Officielle de Bulavu.
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