New York, USA, le 28 Février, 2023/African Media Agency(AMA)/Devant le Conseil de sécurité, Abdoulaye Bathily, Représentant spécial du Secrétaire général pour la Libye, a dressé lundi un constat mitigé de la situation du pays.
S’il constate le respect du cessez-le-feu et des signes positifs pour la préparation des élections de 2023, il juge la situation sécuritaire et l’économie encore fragiles et s’inquiète du recul des droits humains en Libye.
Rappelant que le 17 février, la Libye a célébré le 12e anniversaire de la révolution de 2011, le Représentant spécial a regretté qu’en dépit des aspirations de la population, le processus politique reste long et ne répond pas aux aspirations des Libyens qui cherchent à élire leurs dirigeants et à revigorer leurs institutions politiques. « Bref, les Libyens sont impatients, a-t-il résumé. Ils s’interrogent sur la volonté des acteurs politiques d’organiser des élections inclusives et transparentes en 2023 ».
Abdoulaye Bathily a décrit ses vastes consultations avec la société civile libyenne, les personnalités politiques et sécuritaires clé, y compris le général Haftar, sur les moyens de sortir de l’impasse politique actuelle.
Il a par ailleurs entrepris une tournée des capitales régionales et européennes, à Alger, Brazzaville, Rabat, Rome, Paris, Londres, Berlin, Moscou et Washington, pour souligner la nécessité de mettre fin aux arrangements transitoires répétés, « qui ne servent que les intérêts des partisans du statu quo ».
Des désaccords persistent sur la voie des élections de 2023
Au terme de ces consultations, il a pu confirmer au Conseil de sécurité que, dans leur ensemble, tous les partenaires régionaux et internationaux ont convenu de la nécessité de tenir des élections inclusives et transparentes en 2023.
Mais selon lui, des désaccords persistent, dans la classe politique et parmi les citoyens libyens, en particulier quant au 13e amendement très controversé à la Déclaration constitutionnelle de 2011, toujours en attente d’approbation par le Haut Conseil d’Etat.
Plus largement, à ses yeux, la classe politique libyenne traverse une crise majeure de légitimité. « On pourrait dire que la plupart des institutions ont perdu leur légitimité il y a des années, a-t-il souligné. La résolution de cette crise de légitimité devrait donc être une priorité pour tous les acteurs politiques désireux de changer le statu quo ».
Le Représentant spécial a souligné que la tenue d’élections présidentielle et législatives exige un large consensus national, qui implique l’adhésion et la participation d’un plus large éventail de parties prenantes, y compris les institutions nationales, les personnalités politiques, les acteurs de la sécurité, les forces tribales. Dans ce but, il a donc décidé de créer un Groupe directeur de haut niveau pour la Libye comprenant toutes les parties prenantes libyennes concernées pour faciliter la tenue des scrutins.
Un processus de réconciliation à long terme
Abdoulaye Bathily a aussi noté que plus de 150 décideurs et dirigeants libyens de hauts niveau se sont réunis, le12 février, pour une réunion préparatoire à une conférence de réconciliation nationale qui sera convoquée par l’Union africaine et le Conseil présidentiel libyen à Tripoli dans le courant de l’année ; étape importante d’un processus à long terme de réconciliation « qui devrait être inclusif, centré sur les victimes, fondé sur les droits et sur les principes de la justice transitionnelle ».
Le Représentant spécial s’est par ailleurs félicité du maintien, sans aucune violation, du cessez-le-feu en Libye grâce aux progrès accomplis par la Commission militaire mixte libyenne 5+5. Toutefois, il a jugé que la situation en matière de sécurité reste fragile.
Entre autres mesures encourageantes, la Commission militaire s’affaire à créer les conditions du processus de désarmement, de démobilisation et de réinsertion, et à engager conjointement avec la MANUL, la mission des Nations Unies en Libye, un dialogue avec les représentants des groupes armés pour discuter des moyens d’assurer un environnement propice aux élections.
De plus, les comités de liaison de la Libye, du Soudan et du Niger, réunis récemment au Caire avec l’appui des conseillers de la MANUL et de la Commission militaire, ont élaboré et approuvé un mécanisme intégré de coordination conjointe et d’échange d’informations entre les trois pays, afin de faciliter le processus de retrait des mercenaires et des combattants étrangers. Abdoulaye Bathily a confirmé qu’il se rendrait prochainement dans ces deux pays voisins et au Tchad pour le suivi de ce travail conjoint.
Des préoccupations sérieuses sur la gestion économique du pays
Le Représentant spécial s’est dit préoccupé par la gouvernance économique du pays. « L’utilisation des ressources de la Libye, en particulier la hiérarchisation des dépenses, le manque persistant de services de base, l’absence de responsabilisation et les demandes de répartition équitable des ressources, doivent être pleinement pris en compte », a-t-il préconisé.
Il a ainsi réitéré l’importance et l’urgence d’établir un mécanisme représentatif et dirigé par les Libyens pour convenir des priorités en matière de dépenses, réunifier et réformer la banque centrale et avant tout « veiller à ce que les recettes pétrolières et gazières soient gérées de manière transparente et équitable, conformément à la résolution 2656 du Conseil de sécurité ».
Il a rappelé que pour réaliser des progrès durables, la promotion de la voie économique doit rester une partie intégrante du dialogue politique avec les parties prenantes libyennes et le peuple libyen.
Des groupes de la société civile réduits au silence
Abordant la question des droits humains en Libye, l’envoyé de l’ONU n’a pu que constater que « malheureusement, l’espace civique déjà limité en Libye continue de rétrécir, réduisant au silence les voix des groupes de la société civile et des militants ».
Il s’est dit particulièrement alarmé par une vague d’arrestations de défenseures des droits humains, accusées d’« offenser les traditions libyennes », suite à l’activation de la loi anti-cybercriminalité le 17 février et a rappelé que depuis plus d’un an quatre acteurs de la société civile ont été arrêtés et détenus arbitrairement sous prétexte de protéger « la culture et les valeurs libyennes » et condamnés à trois ans d’emprisonnement en décembre dernier alors qu’ils exerçaient selon lui pacifiquement leur droit fondamental à la liberté d’expression.
« Je réitère mes appels aux autorités libyennes pour qu’elles mettent fin à la répression de la société civile, protègent et promeuvent l’espace civique et cessent de s’ingérer dans le travail des organisations de la société civile », a-t-il déclaré devant le Conseil de sécurité.
Les femmes doivent être entendues et représentées
M. Bathily a rappelé que dans toutes ses consultations avec les femmes et les organisations de la société civile, ces dernières continuent de demander un rôle plus important dans les processus politiques et de réconciliation en cours, exigeant que leur voix soit entendue et que leur pleine représentation soit assurée dans toutes les institutions.
En s’associant à leurs demandes, le Représentant spécial a souligné que l’ONU « soutient les Libyens dans leurs aspirations à un pays stable dirigé par des autorités dédiées au bien être de leur population ». Les élections « inclusives et transparentes de 2023 seront une étape clé dans cette direction », a-t-il conclu.
Distribué par African Media Agency pour Onu Info
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