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Kabila et Tshisekedi

Les malentendus de l’alternance Kabila-Tshisekedi : Bilan et paternité (Tribune de l’Analyste Simeon Nkola Matamba)

Les élections de Décembre 2018 nous ont conduits à une coalition inédite. Le FCC hyper-majoritaire dans les institutions a choisi de composer avec un CACH qui a la Présidence pour rempart. Dans l’opinion, les implications de la dualité présente dans les institutions suscitent son lot de malentendus. Cette dualité qui n’aurait pas été évoquée si l’attelage FCC-CACH formait un tout cohérent (ou presque) entrave le fonctionnement de la coalition. Il y a un FCC prépondérant dans le Gouvernement qui n’hésite pas à torpiller l’action d’un Président, pendant que de ce Président, l’opinion, entraînée à une conception présidentialiste du pouvoir, attend le changement.

Cette conception a paru s’estomper lors de l’attente de la sortie du Gouvernement avant de resurgir à fond les ballons une fois ce Gouvernement investi. Au grand dam des dispositions constitutionnelles qui consacrent la responsabilité du Premier Ministre et la redevabilité du Gouvernement devant l’Assemblée Nationale, l’opinion a, par un tropisme tenace, désigné le Président de la République comme l’alpha et l’oméga de l’exécutif, de qui tout procède, et à qui s’adresse toute préoccupation. Peut-être a-t’il lui-même intégré cette donne pour initier avec promptitude des programmes d’urgence avec 2023 en ligne de mire, échéance par laquelle jurent toutes les langues et dont la plupart se hâtent de dire “il s’agira de son bilan!”

L’alternance, vécue comme un miracle inespéré, a manqué de donner à la Présidence un capital politique suffisant. Il a fallu concéder au FCC sa majorité au Parlement et composer avec dans un Gouvernement de coalition voulu comme gage de stabilité pour un pays habitué aux crises post électorales. Mais cette stabilité aura été de très courte durée. Sous la houlette d’un Premier Ministre d’apparence affable, il s’active des forces qui font se tordre d’agonie un Gouvernement en permanence au bord de la paralysie, avec soit un Ministre du Portefeuille réfractaire, soit un Ministre de la Justice apportant son concours à une tentative de holdup sur l’indépendance de la Justice, pour ne citer que ceux-là. 

Ces incidents au niveau des institutions n’interdisent pas cependant aux frontistes de décrier le climat socio-économique, tout en s’arrogeant la paternité d’une réforme majeure comme la gratuité de l’enseignement de base lancée par le Président en 2019, ou les récentes avancées vers l’État de Droit, sauf exception de l’allusion à la « République des Juges » quand leurs copains sont invités au Parquet. De même, à la situation d’empiétement sur le territoire par des forces étrangères apparaît une facilité à évacuer la responsabilité du Premier Ministre et du Ministre de la Défense, tous deux issus du Front.

Pourtant une lecture rigoureuse de notre Constitution ne saurait autoriser le dédouanement du Chef du Gouvernement—fut-il aphone et invisible—et de sa majorité principalement FCC, encore moins désigner la Présidence de la République comme la seule à répondre du bilan de l’actuelle mandature. Rien cependant n’a prédisposé l’opinion, y compris dans les milieux dit d’intellectuels, à une appréhension juste des rôles de pouvoir dans un régime semi-présidentiel comme le veut la Constitution. Ce régime prévoit, aux côtés du Président de la République, un Premier Ministre devant assurer la coordination de l’action gouvernementale et assumer sa responsabilité devant l’opinion à travers l’Assemblée Nationale représentant le peuple.

Les malentendus sur les rôles et les responsabilités finissent par brouiller les perceptions et portent atteinte au principe de redevabilité des différents acteurs au sein de l’appareil de l’Etat. Plus largement, pour la population assoiffée de changement, les attributions des ministres sectoriels, la mission de contrôle du Gouvernement par les parlementaires, la responsabilité des gouverneurs de provinces et des autorités locales sont diluées dans le mythe prégnant d’une hyperprésidence à laquelle la réalité légale dénie les superpouvoirs que la masse s’imagine. C’est à croire que les Congolais réclament un Super Président dont ils ne s’imaginent pas que pour exister comme tel il devra être de sang dictatorial. 

Pour une meilleure convergence dans la coalition, chacun des deux camps devra prendre ses responsabilités et s’assumer devant l’opinion. Il convient par là de déprésidentialiser notre conception du pouvoir en installant une pédagogie sur les trois pouvoirs (et leurs animateurs) dont les équilibres sont régis par une Constitution approuvée par voie de referendum. 

Toutes choses restant égales, de 2019 à 2023 le bilan sera celui de FCC-CACH et non d’un seul camp politique sous prétexte qu’“ils ont la Présidence”. Cela exige dans le chef des dirigeants le souci de dépasser les clivages et d’installer une véritable dynamique pour le changement à présenter aux prochaines échéances, sans quoi la coalition aura perdu sa raison d’être, mais définitivement!

Simeon Nkola Matamba 

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