Vidiye Tshimanga

RDC/Coronavirus : Le témoignage touchant de Vidiye Tshimanga

Le Conseiller stratégique du Chef de l’État Vidiye Tshimanga n’a pas mis sa langue dans la poche comme dans ses habitudes. Même le Covid-19 n’a pas pu l’abattre pour rester taciturne. Contrôlé positif puis guéri, il a jugé bon de sensibiliser ses compatriotes face à cette pandémie aux conséquences néfastes surtout en ce moment où la communication semble piétiner à Kinshasa.

Voici son témoignage poignant :

Patient COVID-19 positif 

​Il me semble nécessaire qu’au regard de ma sortie récente, je puisse raconter mon histoire. Je le fait avec l’espoir qu’elle puisse aider nos compatriotes, à comprendre les enjeux de cette maladie ainsi que ces conséquences si une communication adéquate n’est pas mise en place a temps.

Chronologie d’une surprise peu agréable

Dimanche 15 mars 2020

Le dimanche 15 mars, je suis attaqué par un rhume, une toux et des sueurs froides. Les deux jours qui suivront, je me sentirai faible et ayant des douleurs à la tête ainsi qu’aux articulations.

Lundi 16 mars 2020

Je me rends à une réunion le lundi 16 mars, à laquelle j’échange avec Jacques Ilunga et d’autres collègues. Vu que ce jour la, quelques cas de covid-19 avaient été reportés à kinshasa, nous avons tous pris les dispositions du respect des consignes en terme de distanciation sociale pour ne pas trop nous exposer les uns aux autres.

Mardi 17 mars 2020

Le mardi 17 mars (J-1), par acquis de conscience, je prends contact avec l’INRB afin de me faire tester ainsi que les membres de ma famille.

 

Jeudi 19 mars 2020

L’équipe des épidémiologistes de l’INRB vient a mon domicile le jeudi 19 mars(J-3) et procede pour toute la famille aux prélèvements sanguins, buccaux et nasaux.

Vendredi 20 mars 2020

Le vendredi 20 mars (J-4), je reçois l’information selon laquelle, mon ami et collègue a fait un malaise cardiaque et est admis à l’hôpital HJ a Limete

Dimanche 22 mars 2020

Le dimanche 22 mars (J-6), je reçois un appel téléphonique de l’épidémiologiste qui me rassure que tous nos tests sont négatifs et qu’il viendra me les remettre en main propre le lendemain le lundi 23 mars.

Lundi 23 mars 2020

C’est le lundi 23 mars (J-7), dans l’après-midi aux environs de 15h30 que l’épidémiologiste répondra à mon questionnement sur ce silence en disant que faute de véhicule, il était dans l’incapacité de venir me rejoindre a mon domicile afin de me remettre les documents contenants les résultats des test. 

Enfin, il a réussi et moi je n’avais pas eu de choix que d’attendre vu les consignes de confinement. 

C’est moi-même en lisant les résultats qu’il me remet en main propre, qui remarque que mes résultats sont positifs contrairement à ce qui m’avait été dit par téléphone. 

 A la lumiere de cette information, ma mise en quarantaine est décidée ​Ipso facto​ et mon dossier transmis à l’équipe de « prise en charge » des malades atteints du CoVid-19.

Mercredi 25 mars 2020

Pendant 48h, donc jusqu’au mercredi 25 mars (J-9), je n’ai aucune nouvelle de l’équipe de prise en charge.

J’appelle à nouveau de ma propre initiative les numéros qui m ont été remis.
C’est ce même mercredi à 22 h 30 finalement, que le médecin en charge vient me visiter pour auscultation, prise de tension, saturation d’oxygène dans les poumons ainsi que la température.

Les paramètres étants rassurants, il me prescrit le protocole adopté par l’équipe de riposte, à savoir la Chloroquine et le Zithromax.

Compte tenu du fait que mon cas ne semblait pas présenter de signes de complications ainsi que le temps déjà écoulé, mon isolement sera maintenu à mon lieu de domicile comme c’est le cas pour d’autres malades dont l’état ne nécessite pas impérativement l’hospitalisation.

Cette mesure a pour but de maintenir la disponibilité des places sur les sites hospitaliers afin d’optimiser les chances de succès d’une prise en charge rapide des patients dont les cas présentent de vraies complications.

Vendredi 27 mars 2020

 Ce n’est finalement que le vendredi 27 mars (J-11), à 21:30 que je reçois la cure de chloroquine et le zithromax.

Cauchemar du récit de la perte d’un ami

Le même vendredi j’apprends avec stupeur, que mon collègue est décédé. On m’apprend ce jour là que pendant sa semaine de souffrance, il a été ballotté de l’hôpital ​HJ ​à celui du cinquantenaire, puis à Ngaliema . C’est le jeudi soir qu il sera transféré dans un véhicule sans respirateur au CMK.​ 

Malheureusement la situation irrécupérable vu l’état de détérioration de ses poumons, mon collègue et ami rendra l’âme le lendemain.

On m’informe que l’une des causes du décès de mon ami et frère était que les équipes médicales sous-informées et craintives de la maladie COVID-19, ne se sont quasiment pas occupées de lui, ne lui donnant pas les soins adéquats.

D’autres cas de décès de malades mal pris en charge m’ont été relatés. 

Samedi 20 mars 2020

C’est ainsi qu’après toutes ces péripéties, je décide le samedi 28 mars (J-12), de rendre public mon diagnostic.

Cette décision , j’ose espérer, permettra à nos concitoyens de prendre la mesure du risque que représente cette maladie. 

L’autre aspect de cette décision a pour dessein de démystifier et éviter que la peur et la psychose ne prennent le dessus sur la prévention, la prise en charge et le contrôle

Samedi 28 mars 2020

Le samedi 28 mars, une connaissance qui passait sa quarantaine aussi à son domicile est acheminée à l’hôpital CMK où on lui diagnostique après scanners, des lésions pulmonaires et il y est mis sous respirateur.

Dimanche 29 mars 2020

Le dimanche 29 (J-13), alors que je n’ai plus revu l’équipe de suivi car celle-ci est débordée par le volume de travail, je demande à mon médecin de prendre les dispositions nécessaires afin de faire les scanners de mes poumons.

Vu que cette maladie sournoise n’est curable que lorsque l’on s’y prend à temps pour la contrer, je suis satisfait de ma décision malgré tout ce que cette pandémie peut amener comme questionnements quand on est un patient testé positif.

Le CMK nous informe, le dimanche 29 mars, qu’ils ne font pas de scanners le dimanche sauf pour les urgences, mais que nous pouvons nous y rendre le lundi 30 (J-14).

Lundi 30 mars 2020

A 10:00 le lundi, l’ambulance vient me prendre à mon domicile et m’emmène à l’hôpital CMK. Arrivé au CMK, une responsable en panique, nous éconduit en clamant qu’elle me connaît et que le CMK refuse les cas atteints du COVId-19.

L’ambulance m’emmène ensuite à l’hôpital HJ à Limete où les dispositions ont été prises afin de me faire passer ces fameux scanners. A l’HJ, en moins de 20 min tout était fait.

Dès le 2eme jours de prise de la cure de chloroquine couplée au zithromax, mes essoufflements ont disparu et je me sens de mieux en mieux.

Mardi 31 mars 2020

Aujourd’hui, mardi 31 mars 2020 (J-15), soit 13 jours après avoir été testé positif au COVID-19 et au 4ème jour de ma médication, je présente tous les signes d’un bon rétablissement.

COVID-19 Prévenir ou laisser mourir

J’entends et je lis beaucoup de choses, sur mon cas, ainsi que sur d’autres. J’ai appris dernièrement que des familles sont pointées du doigts parce qu’il y aurait des personnes atteintes de ce virus chez eux. 

J’ ai moi même vécu l’expérience de mes collaborateurs, chauffeurs et relations, qui sont stigmatisés et même menacés dans certains cas.

C’est le manque d’information qui entraîne ce genre de psychose et de panique . ​

C’est ce même manque d’information ​qui entraîne que le corps médical, sous-informé et certainement sous-équipé, n’arrive pas à répondre avec sérénité à cette crise qui selon toute vraisemblance, prendra encore de l’ampleur.

Nous ne devons pas craindre ce virus qui ne tue que moins de 5% de ses malades, mais par contre nous devons nous en préserver au maximum par des gestes simples, tel que tous ceux qui sont annoncés par le ministère de la santé ​en collaboration avec l’OMS.

Mon récit n’a pas pour objet de jeter pas la pierre au système de santé de la RDC, ni même aux institutions qui ne tarissent pas d’efforts afin de répondre avec résultats à cette pandémie,​ ni d’ouvrir les hostilités​ ​avec qui que ce soit​. ​

Toutefois,​ je tiens fermement à tirer la sonnette d’alarme afin que les mesures d’information soient prises et que chacun de vous se fasse le relais de ce combat.

Le taux de pénétration de l’Internet et des médias est très faible, même dans une ville comme kinshasa. ​

Je vous invite donc en tant que citoyens, à vous mobiliser afin de véhiculer la bonne information. 

Certains hôpitaux refusent de participer à la lutte contre ce fléaux, souvent de peur de faire fuir sa clientèle. Cela est contraire au serment d’Hypocrate et ne pourra que contribuer à creuser un fossé entre les populations.

Je sais pertinemment bien que je suis un privilégié vu mon statut et mon parcours. ​Il est tout aussi vrai et connu,​ que les hommes ont tendance à profiter des événements graves pour déstabiliser ou tirer des avantages​ de la situation et alimenter des agendas​ politiques.

Dans, le cas présent a mon humble avis, il est temps que tous les congolais tournent leurs regards sans agendas cachés en faisant front commun au Covid-19 via l’unité et la cohésion.

A cet effet, certains présidents étrangers, dans des pays bien mieux préparés que le nôtre,parlent d’une guerre contre ce virus. Il est connu que lorsqu’une nation va en guerre, il n y a plus de tribus, plus de différences, plus de partis. Nous devons être UN face à l’adversaire.

Ce fléau a été rendu public en décembre 2019 par la Chine , mais nous savons qu’il faut remonter à plusieurs semaines auparavant.

Pendant 4 mois au moins, la Chine infectée a eu des interactions avec le monde entier et en particulier avec notre pays la RDC. Combien de commerçants chinois, congolais ou autres ont fait des aller retours Chine-RDC pendant cette période?

Aujourd’hui les États Unis dénombrent bien plus de cas que la Chine qui a trouvé la réponse à cette épidémie. De même la France, l’Italie, la Belgique, l’Afrique du Sud , et tant d’autres pays sont touchés par ce fléau. Tous ont eu des interactions avec notre RDC.

Ne nous voilons pas la face en faisant semblant. En Europe on fait plus de 16.000 tests par jours dans certains pays comme l’Allemagne. Chez nous en RDC notre capacité de test ne dépasse pas les 150 par jours dans les meilleures conditions.

Cela sous-entend clairement que le nombre de cas en RDC doit être bien supérieur à ce qui est annoncé avec toute la bonne volonté à ce jour.

Les points encourageants, c’est d’abord le fait que plus de 95% des malades vont se soigner comme une mauvaise grippe. 

Il ne faudra donc répondre avec force que pour moins de 5% des infectés.

Pour éviter les cas graves, il faudra prendre des dispositions plus drastiques pour les personnes à risques ayant des complications tels que les diabétiques, asthmatiques, obèses et toute autre personne souffrant de maladies qui affaiblissent les défenses immunitaires.

Il faut aussi savoir que plus tôt est soignée la maladie et plus nos chances de nous retrouver dans les 95% de cas bénins sont grandes.

Alors au lieu de se cacher, au lieu d’avoir honte, assumons nous et affrontons cette bête!

J’ose me dire et partager avec vous ma réflexion que​, même si ce n’est pas encore vérifié scientifiquement, ​le fait que​ nos populations ​ont​ été exposées depuis la tendre enfance au paludisme et à ses médicaments tels que la chloroquine, il se pourrait que nos organismes soient plus résistants au Covid-19 que d’autres.

Ce serait là un beau clin d’œil du Seigneur pour nos populations​ qui ont connu déjà bien trop de maux​.

Voilà, j’espère que ma santé sera rétablie au plus vite et que je pourrai enfin témoigner avec un test Négatif.

Que Dieu nous guide et nous protège.

Vidiye Tshimanga Tshipanda

Lire Aussi Sur Matininfos.NET

Des enfants en RDC - Photo Save the Children

Journée mondiale des Droits des Enfants : Le Droit à l’éducation pour les enfants toujours un défi en RDC

Ce mercredi 20 novembre 2024 marque le 35ème anniversaire de l’adoption par l’Assemblée Générale des …

Avez-vous aimé l'article? Partagez et Laissez votre commentaire