Il considère ce mécanisme de novateur, centré sur les survivantes, car leurs besoins visera à combler les lacunes actuelles de la justice domestique et internationale, et consistera en un Fonds qui octroiera des réparations par le biais de programmes et de projets de réhabilitation et de réinsertion individuelle et collective. Cela, dans les pays qui nient leur responsabilité ou qui ont besoin de soutien pour les assumer par le biais de l’assistance technique ou financière.
Depuis le 10 décembre 2018, date à laquelle le Prix Nobel de la Paix a été décerné à Oslo au Dr. Mukwege et Nadia Murad ont récolté une prise de conscience globale de l’existence et de la gravité de l’utilisation des violences sexuelles comme arme de guerre et comme stratégie de domination et de terreur, voire même d’extermination.
Dr. Mukwege qui a fait un message-bilan à cette occasion, croit que cette reconnaissance est cruciale car pour s’attaquer à un problème, il doit d’abord être reconnu. Au niveau global, il note avec satisfaction plusieurs évolutions.
Des acquis
En premier lieu, le Fonds Mondial pour les Survivantes a été officiellement lancé le 30 octobre à New York. Depuis le prix Nobel, ils ont reçu beaucoup de soutien de la part de plusieurs Etats, dont la France et l’Allemagne, ainsi que l’Union européenne (UE), qui se sont déjà engagés à accompagner dans la restauration de la dignité des survivantes.
En deuxième lieu figure le sommet du G7 à Biarritz en août dernier qui a mis l’accent sur l’égalité des sexes et la violence sexuelle dans les conflits, qu’il a co-présidé le Conseil Consultatif pour l’égalité femmes-hommes.
Avec diverses personnalités engagées dans les droits humains des femmes, il a été identifié 79 mesures législatives progressistes adoptées par des législateurs issus de tous les continents. Un bouquet législatif orienté sur 4 axes a été proposé et vise à mettre fin à la violence basée sur le genre ; assurer le droit à l’éducation et à la santé pour tous; promouvoir l’autonomisation économique ; assurer l’égalité complète entre les femmes et les hommes dans les politiques publiques.
Les Chefs d’Etat et de gouvernement se sont engagés à Biarritz, en France, à mettre en œuvre ces recommandations, entre autres en intégrant dans leur système national au moins une loi progressiste relative aux droits des femmes d’ici le prochain G7 et en supprimant celles qui les discriminent. « Nous pouvons donc reconnaître aujourd’hui que notre lutte pour la dignité des femmes est à l’ordre du jour de la communauté internationale, et que la question des violences sexuelles en temps de conflit gagne enfin en visibilité auprès des responsables politiques et des décideurs », reconnait-il.
En troisième lieu, l’adoption de la résolution 2467 du Conseil de Sécurité des Nations Unies ayant mis l’accent sur le besoin de reconnaissance et de prise en charge des enfants nés du viol, d’adopter une approche centrée sur les victimes. Ce, en plus du renforcement des mécanismes de sanctions contre les auteurs et instigateurs de la violence.
En quatrième lieu, la mise en place d’un Réseau Mondial de Survivantes consolidé dans un contexte où la majorité de femmes rompent le silence et dénoncent le viol, la violence sexuelle et les abus. Il dit avoir été particulièrement inspiré par les visites à Bogota en Colombie et à Pristina au Kosovo sur invitation d’association de victimes de la guerre, où le plaidoyer des femmes survivantes a largement contribué à l’adoption d’initiatives de justice transitionnelle. Il donne l’exemple du Tribunal Spécial pour la Paix en Colombie et la Commission pour la reconnaissance et la vérification du statut des victimes de violence sexuelle durant la guerre de libération du Kosovo. « Nous espérons que cela permettra de contribuer à mettre fin au climat d’impunité qui prévaut depuis trop longtemps en matière de crimes sexuels », cogite-t-il.
Un autre acquis, c’est le 1er Congrès de la Chaire Internationale Mukwege s’est tenu à l’Université de Liège en automne 2019, qui a rassemblé des chercheurs et professeurs venus du monde entier pour partager leur expérience et leur expertise sur les réponses à apporter pour améliorer la prise en charge des survivantes de violences sexuelles en période de conflit. Ce qui permet de contribuer à ce que l’assistance holistique dont les victimes ont besoin soit reconnu comme un droit humain à la réhabilitation.
Judith Asina
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