L’avis de la cour constitutionnelle est très attendu aujourd’hui sur le report officiel de la présidentielle, eu égard aux différentes tensions politiques observées à ce jour en RDC.
La requête de Corneille NANGA à la cour constitutionnelle sur le report de la présidentielle met à nouveau la haute cour de la RDC devant ses responsabilités après que cette institution judiciaire ait suscité les doutes dans les esprits en autorisant au gouvernement de confier la gestion des nouvelles provinces aux commissaires spéciaux en violation de la constitution et en autorisant le Président KABILA de rester au pouvoir jusqu’à l’installation du nouveau Président élu.
Ayant d’abord examiné les différents textes en vigueur en RDC, nous constatons que le Président de la CENI, en saisissant la Cour Constitutionnelle en rallonge de délai pour l’organisation de l’élection présidentielle, s’est trompé d’époque et de texte applicable.
En effet, s’il est vrai qu’à l’époque de la Constitution du 04 avril 2003 régissant la période de transition politique en République Démocratique du Congo, la prolongation de la période de transition était possible conformément à l’article 196 de la Constitution précitée alors en vigueur, il n’en est pas ainsi actuellement suivant les prescrits de la Constitution du 18 février 2006 telle que modifiée et complétée à ce jour.
En effet, l’article 196 de la Constitution du 04 avril 2003 était ainsi conçu : « la durée de la transition est de vingt quatre mois. Elle court à compter de la formation du Gouvernement de transition et prend fin avec l’investiture du Président élu à l’issue des élections marquant la fin de la période transitoire en République Démocratique du Congo.
Toutefois, en raison de problèmes spécifiquement liés à l’organisation des élections, la transition peut-être prolongée pour une durée de six mois renouvelable une seule fois, si les circonstances l’exigent, sur proposition de la Commission électorale indépendante et par une décision conjointe et dûment motivée de l’Assemblée Nationale et du Sénat ».
C’est en s’inspirant de cet article que la décision conjointe n°002/D.C./AN/SEN/05 du 14 décembre 2005 portant prolongation de la durée de la transition a été prise par les Présidents de l’Assemblée Nationale et du Sénat.
Or, s’agissant de la fin du mandat du Président de la République et de l’élection présidentielle, la Constitution du 18 février 2006 ne contient aucune disposition ayant le même contenu en lettre ou en esprit avec l’article 196 pré rappelé de la Constitution du 04 avril 2003.
En effet, les articles 73 et ceux se rapportant aux dispositions transitoires et finales de la Constitution du 18 février 2006, ne prévoient nulle part la prolongation du délai de l’organisation de l’élection présidentielle.
Par ailleurs, nous nous avisons de constater qu’au regard des articles 42 de la loi organique n°13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle, et 2 alinéa 3 du règlement Intérieur de la Cour Constitutionnelle, que les compétences de la Cour Constitutionnelle résultent des dispositions des articles 74, 76, 99, 128, 139, 145, 160, 161, 162, 163, 164, 167 alinéa 1er et 216 de la Constitution. Il ressort cependant de la lecture de toutes ces dispositions constitutionnelles que la Cour Constitutionnelle n’a pas reçu compétence de prolonger le délai de la tenue de l’élection présidentielle.
Toutefois, la saisine de la Cour Constitutionnelle par la Commission Electorale Nationale Indépendante sur pied de l’article 76 alinéa 4 de la Constitution est concevable en cas de vacance constatée à la présidence de la République.
En ce cas, il est entendu qu’on est devant la vacance de la Présidence de la République déjà constatée par la Cour Constitutionnelle saisie par le Gouvernement et suivant les alinéas 1er , 2 et 3 du même article 76. En effet, cette disposition constitutionnelle prévoit le seul cas de prolongation de délai d’organisation d’élection présidentielle pour combler la vacance créée à la Présidence de la République.
Ce qui revient à dire que contrairement à l’article 196 alinéa 2 de la Constitution du 04 avril 2003 qui ouvrait la voie à prolongation en raison de problèmes spécifiquement liés à l’organisation des élections, la Constitution du 18 février 2006 exclut cette hypothèse et retient à travers son article 76 alinéa 4, l’unique cas : celui de combler la vacance créée à la présidence de la République.
Ainsi, si le Président de la CENI s’est évertué à saisir la Cour Constitutionnelle en prolongation de délai d’organisation de l’élection présidentielle, il sera entendu qu’il y a vacance à la présidence de la République.
En dehors de cette hypothèse de vacance à la présidence de la République, la Cour Constitutionnelle n’a pas compétence pour prolonger le délai de la tenue de l’élection présidentielle.
De tout ce qui précède, il est acquis que la Cour Constitutionnelle n’a pas compétence, conformément à la Constitution du 18 février 2006, de prolonger le délai de la tenue de l’élection présidentielle, sauf lorsque la vacance à la présidence de la République est constatée et qu’il y a lieu d’élire le nouveau Président en remplacement de celui qui a créé la vacance.
Ce faisant, la cour constitutionnelle est appelée à départager l’opinion nationale au cours de laquelle s’affronte plusieurs thèses. Il ya d’une part la majorité présidentielle qui soutient qu’il est impossible d’organiser les élections dans le délai constitutionnel et la lucha qui propose que l’enrôlement et le vote se fassent le même jour et d’autres opposants qui estiment qu’il ait élection ou pas, investiture ou pas d’un nouveau Président de la République, le mandat du chef de l’Etat actuellement en fonction prendra fin le 20 décembre 2016 et qu’au-delà, il ya vacance du pouvoir au sommet de l’Etat. L’avis de la cour de ce Vendredi offre une opportunité à la haute cour, autrefois boudée par certaine opinion de se repositionner comme la gardienne de cette loi fondamentale.
NZAMPUNGU IMBOLE Joël
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