En République Démocratique du Congo, le Ministre de la santé promet de prendre les initiatives dans trois directions comme issues, au sujet de la nature toxique et néfaste des produits du tabac et ses dérivés. Dans un entretien à bâton rompu, Oly Ilunga indique qu’il sera question de sensibiliser la population sur les risques du tabac et toutes les maladies qui en découlent ; des mesures et d’actions concernant la protection des non-fumeurs ; créer des centres, surtout des activités qui concernent la prise en charge des victimes du tabac. Pour lui, la Loi-cadre sur la santé publique promulgué en décembre 2018 va contribuer à mettre fin à l’impunité dans le secteur de la santé.
Ci-dessous l’intégralité de l’interview du Ministre de la Santé :
Matininfos.net : La loi-cadre sur la santé publique a été promulguée en décembre 2018 et sa mise en vigueur depuis le 13 mars 2019. Quelles sont vos appréciations ?
Oly Ilunga : pour moi la promulgation de la loi cadre est une vraie révolution dans le secteur de la santé pour le bien de toute la nation congolaise, parce qu’elle va donner un cadre juridique à toute l’organisation de la santé publique. C’est vraiment pour le bien de tout le monde, que ce soit du citoyen, du patient, des prestataires, et pharmaciens. Donc, tout cela sera de nouveau régulé. Pour améliorer le système de santé, nous avions créé en avril 2017, l’inspection générale de la santé en vue de renforcer la régulation dans le système. Mais en pratique, les inspecteurs étaient confrontés à une difficulté. Lorsqu’ils rencontraient une infraction ou pendant la verbalisation, malgré qu’ils ont fait un travail extraordinaire, certaines questions étaient sans suite. Mais aujourd’hui, la loi cadre donne ce cadre juridique et prévoit même des sanctions parfois pénale en cas d’infraction. La Loi cadre va contribuer à mettre fin à l’impunité dans notre secteur.
Matininfos.net : l’article 110 de ladite loi cadre sur la santé publique demande aux Ministre de la santé, son collègue du Commerce extérieur et celui de l’industrie de prendre des mesures nécessaires pour la mise en œuvre de la Convention Cadre de l’OMS pour la Lutte Antitabac (CCLAT). Quelles sont vos prérogatives ?
Oly Ilunga : Au niveau de la loi cadre, beaucoup d’articles nécessitent des arrêtés d’applications. Certains arrêtés sont multisectoriels et interministériels. Ce que nous avons déjà fait, c’est de rassembler les experts de trois Ministères et leur demander de commencer à plancher sur les mesures et les arrêtés qui doivent accompagner l’exercice de la profession du tabac. Ils doivent vraiment mettre en place toute une série de mesures pour bien réguler tout ce qui concerne la culture, l’importation, l’exportation, la fabrication, y compris la commercialisation, la consommation de tous les produits du tabac et ses dérivés. C’est un travail sur lequel les experts planchent déjà pour sortir toute une série d’arrêtés interministériels qui doivent accompagner la régulation du secteur.
Matininfos.net : la RDC a ratifié à la CCLAT depuis 2005 et n’attendait que cette loi pour sa mise en œuvre. Quelle est votre solution au sujet de la nature toxique et néfaste des produits du tabac et ses dérivés ?
Oly Ilunga : nous allons essayer de prendre des initiatives dans trois directions. La première direction, concernera l’information, c’est-à-dire sensibiliser la population sur les risques du tabac et toutes les maladies que ce produit peut causer. En effet, le tabac cause des maladies cardiovasculaires, il est aussi l’origine de toutes les maladies respiratoires chroniques. Les premiers volets sont des mesures pour informer les citoyens sur les conséquences du tabac.
La deuxième catégorie de mesures et d’actions concerne la protection des non-fumeurs. 10 % des maladies liées au tabac concernent les non-fumeurs qui sont exposés à la fumée des autres. Nous allons prendre une série de mesures pour protéger les espaces non-fumeurs, que ce soit les lieux publics, les lieux de travail et les transports en commun.
La troisième catégorie d’action consistera à créer des centres, surtout des activités en rapport avec la prise en charge des victimes du tabac, de ceux qui veulent arrêter de fumer.
Matininfos.net : Puisque vous parlez de la prise en charge des victimes du tabac, nous avons en RDC, à l’hôpital de Kintambo, le Programme National de Lutte contre la Toxicomanie et les Substances Toxiques (PNLCT) qui déplore le manque de financement pour accompagner les victimes du tabac, en général ceux qui sont en sevrage. Qu’en dites-vous ?
Oly Ilunga : je crois qu’il faut bien définir les rôles. Un Programme ministériel a un rôle normatif. Il est là pour faire un plaidoyer et mobiliser les ressources. Mais toute la mobilisation qui est faite ne doit pas être destinée au programme, car il doit également créer tout un écosystème qui permettra de répondre aux différentes problématiques. Il n’y a pas que le programme qui doit faire l’information, mais toute une série d’agences, d’organismes qui peuvent se spécialiser dans l’information. Lorsqu’il s’agit de prendre en charge les victimes du tabac et d’organiser des sevrages, ce n’est pas le programme qui doit le faire à l’échelle de la République. Il faut créer un écosystème, qui, à l’échelle du pays, va mettre en vigueur toutes ces activités. La lutte antitabac ne se limite pas au programme qui est à l’hôpital de Kintambo mais doit se faire dans les 26 provinces de la République, à travers les 517 Zones de Santé. Ce n’est pas seulement un programme, car il est normatif, il crée le cadre, mais il faut un écosystème, toute série d’autres acteurs qui s’y mettre et se spécialiser.
Matininfos.net : Est-ce que le Ministère de la santé est en contact permanent avec l’industrie du tabac, conformément à la loi cadre, pour connaitre la valeur quantitative et qualitative de ses produits.
Matininfos.net : Sur ce point, c’est un travail que le programme a toujours essayé de faire. Mais la collaboration n’a pas toujours été aisée par le passé. L’avantage de la Loi cadre, ce qu’il existera un cadre légal à cette collaboration. Donc, la loi cadre exige que l’industrie donne toutes les informations qualitatives et quantitative sur la composition des produits, les additifs, le degré d’émission. Avec le programme, nous allons faire une série d’arrêtés interministérielle en vue d’amener l’industrie à collaborer dans le partage d’information.
Matinfos.net : Nous appris qu’à la suite de la promulgation de la loi cadre, l’industrie du tabac vous aurait contacté pour discuter des mesures d’application. Vous les avez rencontrés ? Qu’est- ce qu’il a été décidé concrètement ?
Oly Ilunga : Il faut dire qu’une fois qu’une loi est promulguée, il doit y avoir un cadre de concertation. Ce cadre de concertation ne se fait pas au niveau ministériel mais d’abord avant tout, dans un cadre de concertation technique. Donc, nos experts du Ministère de la santé, ceux du PNLCT vont travailler avec l’industrie du tabac pour voir ensemble les arrêtés d’application. Mais il faut bien faire la part de chose. Nous sommes-là pour protéger les citoyens et leurs santés. On écoutera les préoccupations de l’industrie du tabac, nous serons à leur écoute, mais le rôle doit être défini. Nous avons pour mission, d’informer la population, la population et prendre en charge les victimes du tabac.
Matininfos.net : est-ce que vous êtes en contact avec la société civile depuis la promulgation de la loi cadre, du moins celle qui milite pour la lutte antitabac ?
Oly Ilunga : je crois que dans notre pays, personne ne doit essayer de confisquer la lutte antitabac. Cette notion concerne tout le monde ! La société civile a son rôle à jouer, certainement dans la sensibilisation. La profession médicale a aussi un rôle à jouer dans cette lutte, surtout en matière de prise en charge des victimes. J’insiste sur le fait que tout le monde a un rôle et que personne n’a le monopole de la lutte contre le tabac ainsi que la recherche du bien-être de la population. Au Ministère de la santé notre slogan est : « faisons triompher la vie ». Il faut être dans une attitude positive, d’ouverture et de collaboration. Chacun a quelque chose à apporter.
Propos recueillis par Judith Asina
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